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Al-Ahli, club de foot qui fait la fierté de son public d'Hébron, est à deux doigts de décrocher son ticket pour l'AFC Cup, équivalent asiatique de l'Europa League. L'artisan de cette performance inédite : un Italien fraîchement débarqué dans les Territoires palestiniens.
Stephano Cusin, un Toscan de 46 ans aux allures de Kevin Costner un peu rond, n'avait pas prévu de s'installer en Cisjordanie occupée. Il devait signer avec un club de Serie A italienne, Cagliari. "Finalement, ça a capoté en décembre et j'ai décidé de venir ici", explique-t-il.
"Ici", c'est Hébron, la plus grande ville de Cisjordanie et une poudrière où 700 colons israéliens vivent retranchés au milieu de 200.000 Palestiniens. Malgré les violences, les tensions et les entraves à la circulation, "on peut construire quelque chose d'important pour l'avenir", affirme Stephano Cusin.
"Je cherchais un projet et je me suis dit : pourquoi pas la Palestine ?", raconte-t-il à l'AFP dans le vestiaire d'al-Ahli, qu'il entraîne depuis janvier.
Ce club de l'élite palestinienne, qui a longtemps vécu dans l'ombre du Shabab, objet d'une rivalité exacerbée, disputera vendredi la finale de la Coupe de Palestine contre le club de Balata, un adversaire difficile. S'il l'emporte, il sera qualifié pour l'AFC Cup.
Jamais al-Ahli n'était arrivé aussi loin. Alors pour Khaldoun al-Halman, le capitaine d'al-Ahli, être entraîné par Stephano Cusin, c'est comme jouer sous les ordres des entraîneurs stars " Carlo Ancelotti ou Jose Mourinho ".
"Stephano a apporté plein de choses à l'équipe. Aujourd'hui, les joueurs locaux ont évolué dans leur façon de réfléchir et de se positionner sur le terrain. Ils pensent comme des internationaux en Europe", jure cet avocat de 26 ans, joueur d'al-Ahli depuis onze ans.
Le président du club, Kifah al-Chérif, a constaté le changement. "Aujourd'hui, nos joueurs viennent s'entraîner tous les jours de la semaine", se félicite-t-il. "Si l'entraînement est à cinq heures, ils sont là à quatre heures. On n'avait jamais vu ça avant".
- 'Hébron, c'est pas Miami' -
Dans les Territoires palestiniens, on ne vit pas du foot, même quand on joue en championnat national. Alors les joueurs travaillent le jour et enfilent le maillot le soir pour des entraînements qui doivent se glisser dans des emplois du temps déjà chargés.
Là-dessus, Stephano Cusin a été intraitable : "Si vous voulez atteindre un bon niveau, vous devez vous entraîner, vous ne pouvez pas travailler jusqu'à 18 heures", a-t-il dit dès son arrivée à ses joueurs.
"Vous ne pouvez pas jouer après avoir passé dix ou douze heures à travailler, parfois pour un métier qui demande beaucoup d'efforts physiques", assure-t-il. "Donc je leur ai demandé dès le début de faire des sacrifices".
Il s'adresse à ses joueurs dans un anglais moyen que tous ne comprennent pas. Ils le regardent un peu pantois puis se tournent pour la traduction vers leurs cinq coéquipiers qui parlent anglais.
"Je connais quelques mots d'arabe mais, parfois, le plus simple, c'est de communiquer par signes", convient Stephano Cusin. De toute façon, "le foot est une langue universelle".
Les joueurs ont accepté les sacrifices réclamés dans un seul but : faire grimper le club créé en 1974 jusqu'au plus haut niveau, pour les joueurs, pour les supporteurs et pour Hébron. "Parce que la situation dans cette ville est vraiment très compliquée", assure Stephano Cusin.
Pour lui qui a traîné ses crampons d'entraîneur de l'Italie aux Emirats arabes unis en passant par la Libye, l'Afrique subsaharienne et l'Arabie saoudite, rien ne ressemble à Hébron.
"Hébron, c'est pas Miami", dit-il dans un euphémisme qui le fait rire. Mais le foot offre "une raison de se réjouir et de faire la fête."