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© AFP/Luis ACOSTA
Une ouvrière cousant un ballon à Mongui, petite ville de la région de Boyaca en Colombie, le 13 février 2017, où un tiers des habitants fabriquent des ballons
Pour savoir de quoi vit Mongui, village pittoresque de Colombie, il suffit de regarder sa place principale : des dizaines de ballons sont suspendus aux balcons et aux portes. Une statue est même consacrée à cet accessoire indispensable du football.
Dans cette commune fondée en 1601, nichée dans les montagnes du centre du pays, un quart des 4.900 habitants fabriquent des ballons de football, dans la vingtaine d'entreprises spécialisées. Certains les cousent même encore à la main, une technique adoptée par Mongui dans les années 1930.
"Mon oncle Froilan faisait son service militaire à la frontière avec le Brésil. A Manaus en 1934, il est allé dans une prison où il a vu comment on cousait les ballons", raconte à l'AFP Edgar Ladino, gérant et fondateur du Musée du ballon.
"Il a ramené l'idée à Mongui et s'est donné pour mission d'apprendre ça aux habitants", ajoute-t-il.
La production locale de ballons a connu son apogée dans les années 1970. Le père d'Edgar comptait alors 80 employés, dont le travail était complété chaque samedi par les paysans venant apporter leurs 10 à 15 ballons cousus main durant la semaine.
"C'était une très belle époque", assure Edgar, qui regrette la "modernité" et le déferlement des ballons chinois thermocollés, qui ont balayé la tradition des ballons cousus.
- 1 ballon, 32 pièces -
Vitalina Mesa et José Sierra ont connu ces jours heureux et aujourd'hui encore, ils cousent à la main. Quatre de leurs enfants travaillent eux dans des entreprises usant des techniques plus récentes.
Dans leur "bureau" -une petite pièce aux murs bleus de leur modeste maison-, Vitalina et José passent la journée à coudre avec deux aiguilles les 32 pièces composant un ballon: elle, plus rapide, met deux heures pour chaque exemplaire, lui en met trois. Ils en fabriquent ainsi cinq ou six par jour, touchant 2 à 2,8 dollars par ballon.
"Tant que nous aurons la santé et que nous pourrons encore coudre, nous continuerons à travailler", promet José, 67 ans, se rappelant l'époque où il "trouvait le temps" pour coudre parmi ses tâches agricoles.
"Les cultures nous rapportaient (de l'argent) une fois tous les six mois, les ballons une fois tous les quinze jours", se souvient-il.
Son épouse, âgée de 60 ans, a commencé à coudre dès l'âge de neuf ans. Mais aujourd'hui, "c'en est presque fini du ballon cousu, il y a de plus en plus de ballons thermocollés", soupire-t-elle.
Et pour elle, la qualité n'a rien à voir. "Il est possible de jouer avec un ballon cousu sous la pluie, dans l'eau, peu importent les conditions. Il résiste à tous les climats. Par contre le ballon thermocollé ne résiste pas à l'humidité, il se défait".
- 'Agilité de la main féminine' -
A Mongui, beaucoup se sont convertis à cette technique plus moderne: dans l'entreprise créée il y a vingt ans par Rosa Hurtado, 42 ans, et son mari, on ne coud pas l'extérieur pour ensuite introduire la chambre-à-air, on moule une boule de caoutchouc sur laquelle on colle ensuite le revêtement.
"Nous avons commencé par acheter un moule et on le gardait sous notre lit en attendant d'avoir assez d'argent pour le reste du matériel", raconte-t-elle.
"Après nous avons acheté cinq mètres de (matériel) blanc et cinq mètres de noir et c'était le début d'une petite fabrique de ballon dans notre maison, une toute petite pièce, et après ça s'est transformé en ce qu'est aujourd'hui Gegol", l'entreprise qu'elle a fondée.
Chaque mois, Gegol produit 2.000 ballons, qui sont notamment exportés au Venezuela, avec jusqu'à une quinzaine d'employés quand il y a beaucoup de commandes, essentiellement des mères de famille, "en raison de l'agilité de la main féminine", explique Rosa.
Cette activité atypique fait le bonheur des touristes faisant étape à Mongui pendant leur découverte des montagnes colombiennes : "Nous sommes venus pour randonner dans la région mais aussi pour voir comment se font les ballons", confie le Français Benjamin Courtadon, dont les enfants s'amusent avec quelques exemplaires dans une boutique du village.