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© AFP/Karim Jaafar
Un travailleur étranger sur un chantier à Doha au Qatar, le 3 octobre 2013
Le Qatar a annoncé mardi une série de mesures pour protéger les milliers de travailleurs étrangers employés sur des chantiers liés à la Coupe du monde de football en 2022.
Le richissime émirat gazier du Golfe, vivement critiqué par les organisations de défense des droits de l'Homme pour les conditions de travail et de vie des employés, en particulier dans le secteur du bâtiment, a invité l'Organisation internationale du Travail (OIT) à vérifier l'application de sa législation.
Le comité d'organisation du Mondial-2022, récemment renommé "Comité suprême pour les projets et l'héritage au Qatar", a annoncé "des normes pour le bien-être des travailleurs". Ces textes exigent que les entrepreneurs versent les salaires sur des comptes bancaires et prévoient un système permettant de "vérifier que tous les travailleurs sont bien payés et à temps".
Le document prévoit aussi "des normes pour le logement des travailleurs, fixant des bases claires concernant le nombre de lits par chambre et assurant un seuil minimum en matière de propreté et d'hygiène".
- Exploitation 'alarmante' -
En novembre, Amnesty International avait dénoncé une exploitation "alarmante" des travailleurs immigrés au Qatar, citant des cas où des ouvriers, majoritairement asiatiques, étaient traités d'"animaux". Le quotidien britannique The Guardian avait même fait part de la mort de 44 ouvriers entre juin et août 2013 sur les chantiers du Mondial.
Doha précise avoir appelé l'OIT à suivre "tout le processus allant du recrutement aux conditions de vie et de travail" des immigrés employés sur ces chantiers.
Mais la Confédération syndicale internationale (Ituc) a immédiatement exprimé ses plus grandes réserves, affirmant que ses initiatives ne visaient qu'à "renforcer le système controversé du kafala", système en vigueur dans les pays du Golfe et par lequel chaque salarié est en fait la quasi-propriété de son "sponsor", son "Kafil".
"La promesse de garantir la liberté de mouvement est une mascarade dès lors que le Qatar applique une ségrégation des ouvriers sur une base raciale", a estimé Sharan Burrow, secrétaire générale de l'Ituc. "Si la Fifa (Fédération internationale de football) est sérieuse quant à l'organisation de la Coupe du monde 2022 par le Qatar, elle doit demander la liberté d'association afin que les ouvriers puissent être représentés par la personne de leur choix".
Dans une première réaction mardi, Amnesty International a vu dans les mesures annoncées à Doha "un effort positif, même partiel, pour prévenir certains des pires abus" commis sur les chantiers du Mondial.
Mais cela "ne répond qu'aux préoccupations d'une proportion relativement faible des migrants au Qatar, ceux impliqués dans la construction des stades et des terrains d'entraînement", a ajouté James Lynch, chercheur d'Amnesty sur les droits des migrants dans le Golfe.
"Les normes ne s'appliquent pas aux milliers d'autres travailleurs migrants au Qatar, y compris ceux qui vont construire les infrastructures de soutien à l'organisation du Mondial, dont les routes, les hôtels et les chemins de fer", ajoute Amnesty, qui exige une "véritable réforme, incluant le système de parrainage (kafala)" pour l'ensemble des travailleurs dans le pays.
Fin janvier, la Fifa avait "sommé" l'émirat de présenter au plus tard le 12 février des mesures concrètes pour améliorer le sort des ouvriers.
Au Parlement européen à Bruxelles, les eurodéputés avaient de leur côté adopté une résolution en novembre dans laquelle ils se disaient "préoccupés" par leurs conditions et par une possible augmentation de la mortalité sur les chantiers du Mondial. Une audience est prévue jeudi sur la question devant une commission du parlement.
En octobre, une délégation syndicale internationale avait elle aussi jugé la situation des travailleurs étrangers au Qatar "inacceptable".