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© AFP/Christophe Simon
Un manifestant avec un masque déploie le drapeau brésilien lors d'une manifestation contre la hausse des prix des transports publics et l'utilisation de l'argent public pour financer le Mondial, le 17 juin 2013 à Rio de Janeiro
Scènes de ménages au sommet, puis vindicte populaire de Brésiliens qu'on croyait anesthésiés à l'opium football: le mariage entre la Fifa et le Brésil s'est avéré souvent orageux et menace d'éclater en plein Mondial.
A six mois du coup d'envoi, l'instance mondiale du foot et Brasilia vivent dans la hantise d'un scénario catastrophe: une répétition de la fronde sociale historique qui a ébranlé le géant d'Amérique du sud en juin, cette fois sous les yeux de milliards de téléspectateurs.
Ce serait un cauchemar pour la Fédération internationale de football qui tire environ 90% de ses revenus du Mondial en droits de retransmissions et droits marketing. Et tout autant pour le gouvernement de Dilma Rousseff, en pré-campagne pour les élections générales d'octobre 2014.
Le journaliste Carlos Eduardo Eboli, responsable d'un programme sportif à la radio CBN, s'attend à un "climat très lourd pendant le Mondial, avec de très grandes manifestations attisées par le contexte électoral".
Pour Brasilia et la Fifa, ce n'est pas le moment de jeter de l'huile. Si en théorie les 12 stades doivent être remis à la Fifa avant le 31 décembre, il y a fort à parier qu'une dérogation sera accordée à l'Itaquerao de Sao Paulo, le stade du match d'ouverture où deux ouvriers sont morts mardi dernier dans un spectaculaire accident qui va retarder les travaux.
En 2007, le Brésil avait pourtant salué dans la liesse l'attribution du Mondial. Le mariage avec la Fifa semblait promis à un avenir radieux.
Pour les amoureux du foot du Monde entier, impossible de rêver Mondial plus magique qu'au royaume de Pelé et du football-samba. Pour le Brésil en pleine euphorie des années Lula, ce serait la consécration de sa nouvelle puissance émergente.
Pourtant très vite des querelles ont éclaté. En 2011, le secrétaire général de la Fifa Jérôme Valcke, inquiet des retards, frôle le carton rouge en intimant aux autorités brésiliennes de se "botter les fesses".
"La Fifa s'arrachait les cheveux. Elle ne savait pas à quel interlocuteur se vouer" dans cette république fédérale aux centres de pouvoirs éclatés entre Brasilia, Etats et mairies, explique Carlos Eboli.
Jérôme Valcke ira jusqu'à commenter publiquement en avril: "Je vais dire quelque chose de fou, mais un moindre niveau de démocratie est parfois préférable pour organiser une coupe du Monde. Quand on a un homme fort à la tête d'un Etat qui peut décider, comme pourra l'être Poutine en 2018, c'est plus facile pour les organisateurs qu'avec un pays comme l'Allemagne où il faut négocier à plusieurs niveaux".
A l'approche du Mondial, ces difficultés ont été mises en sourdines. "Cela fait maintenant longtemps que nous travaillons très bien ensemble, en gros depuis fin 2011", assure Delia Fischer, responsable médias de la Fifa.
Sauf que les Brésiliens ont pris le relais de la discorde en protestant massivement pendant la Coupe des confédérations contre l'ardoise publique très élevée du Mondial dans un pays aux services publics délabrés.
En 2007, le gouvernement avait promis que le Mondial serait 100% financé par l'initiative privée. Faute d'engouement suffisant, il a dû réviser ses plans et mettre massivement la main à la poche.
"C'est ça qui a mis en colère des Brésiliens", explique Carlos Eboli.
"Les futures manifestations auront pour vraie cible le gouvernement, pas la Fifa. Même si elles se dérouleront sûrement près des stades pour obtenir la plus grande répercution internationale", estime-t-il.
La Fifa n'en est pas moins clairement dans le collimateur des protestataires les plus radicaux.
Les "comités populaires" anti-coupe l'ont nominée pour le Public Eye Awards 2014 "de la honte", décerné chaque année à la pire corporation de l'année au contre-sommet de Davos.
Les violents militants anarchistes Black Bloc ont délibérément saccagé des enseignes de sponsors officiels du Mondial lors des manifestations qui ont duré jusqu'en octobre.
Dans un tweet posté vendredi par leurs soins ils ont détourné le logo du Mondial. Une bombe à la mèche allumée y substitue la Coupe, avec cette légende: "Opération World Cup 2014! BOOUUUMMMM!".