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© AFP/FRANCK FIFE
Le président de Lille Michel Seydoux lors d'un match contre Lens, le 7 décembre 2014 au Stade de France
Rien ne prédestinait Michel Seydoux, benjamin de la puissante fratrie Seydoux qui finance le cinéma français depuis 30 ans, à réussir dans le monde du foot. Mais sa présidence de 15 ans, émaillée de succès retentissants, fut la plus longue qu'ait connue le Losc.
Pour le dernier match de Lille sous l'ère Seydoux, vendredi contre Saint-Etienne, sa frêle silhouette, bientôt septuagénaire, s'avancera sur la pelouse du Stade Pierre-Mauroy de Villeneuve-d'Ascq pour recevoir un hommage circonstancié. Il pourra une nouvelle fois constater sa popularité auprès des supporters, reconnaissants du travail accompli et qui apprécient la simplicité de l'homme.
"C'est un vrai patron. Malgré des hauts et des bas, il a développé une vraie vision à long terme" du club, affirme à l'AFP la maire de Lille, Martine Aubry, grande amatrice de ballon rond. Et puis, ajoute-t-elle, "il a des nerfs, il est capable d'analyser ses erreurs et d'en tirer les conséquences".
Il avait aussi trouvé sa place dans la famille du football. A tel point qu'il a été question, en novembre, d'en faire le président de la Ligue professionnelle (LFP). "On aimerait bien que notre ami de Lille, puisqu'il vend son club, prenne le poste", avait expliqué le président de Nantes Waldemar Kita. Mais ça ne s'est pas fait, car la vente du club n'a pas été assez vite et les deux casquettes de président, de club et de la Ligue, ne sont pas compatibles.
- "Moment d'émotion partagée" -
Le Losc aura bien changé en 721 matches sous sa présidence, qui a mis l'accent sur la formation de jeunes talents. La stratégie a culminé à la saison 2010-11 par la domination du foot français: un doublé Championnat-Coupe de France grâce notamment au génie d' Eden Hazard , formé au club, et à la science tactique de Rudi Garcia.
Un critère décisif de la réussite au Losc de Michel Seydoux fut le goût privilégié de cet amateur d'art et de sports mécaniques pour le beau. "Sa vision du football était d'évoluer vers le sport-spectacle", témoigne Luc Dayan, président de 2000 à 2001 et qui l'a introduit au Losc.
"Peut-être parce que c'est un homme de spectacle, il voulait faire du foot un moment d'émotion partagée et de fête populaire, il a fait beaucoup pour l'ambiance dans le stade", renchérit Mme Aubry.
Michel Seydoux fut et demeure avant tout un producteur de cinéma, issu d'une puissante dynastie. Il est le petit frère des PDG de Pathé et Gaumont, Jérôme et Nicolas Seydoux Fornier de Clausonne, le patronyme complet de cette fratrie.
Michel Seydoux a notamment produit le fameux "Cyrano de Bergerac" avec Gérard Depardieu en 1990, des films du grand cinéaste russe Nikita Mikhalkov ("Urga" en 1991, "Soleil trompeur", Oscar en 1994 du meilleur film étranger), des oeuvres d'Alain Cavalier ("Pater", "Le Paradis"?) ainsi que, plus récemment, le documentaire "Jodorowsky's Dune", sorti en 2016. Il fut également producteur associé de films d'Alain Resnais ("Smoking/No Smoking" en 1993, "On connaît la chanson" en 1997).
- Marge financière réduite -
"Vu la famille dont il vient, il tranche avec le milieu du foot", souligne Luc Dayan. "N'empêche qu'il a présidé pendant 15 ans le Losc dans un univers qui n'est pas facile. Michel est dur en affaires, il ne fait pas de cadeau", même si "parallèlement c'est quelqu'un d'extrêmement gentil et d'ouvert aux autres".
Aux yeux de Michel Seydoux, le cinéma et le foot ont un dénominateur commun. "La vie est tellement dure et le journal télé si difficile à regarder. Il n'y a pas une journée sans drame. Cela ne fait pas de mal de sortir d'un film avec un peu de romantisme, de plaisir et en ayant ri. Ou de quitter un match avec un peu de bonheur", expliquait-il en 2011.
Dans cette optique, l'écrin est fondamental, et Michel Seydoux sera comblé de voir sous sa présidence l'achèvement du projet de "Grand Stade" (50.000 places, toiture entièrement rétractable), inauguré en août 2012 et baptisé ensuite Pierre-Mauroy.
Bémol: l'enceinte n'appartient pas au club, qui doit la louer, ce qui réduit sa marge financière. Michel Seydoux l'a plusieurs fois regretté, déplorant de devoir régulièrement vendre des pépites écloses au club. Eden Hazard est ainsi parti pour Chelsea en 2012; plus récemment, l'été dernier Sofiane Boufal a rejoint Southampton, et Djibril Sidibé l'AS Monaco.
Son dernier combat aura été de trouver non "pas un acheteur, mais un successeur", "qui ait la vision, la capacité et un projet permettant au Losc de continuer à gagner des titres", a-t-il récemment confié. Des critères qui l'ont porté vers l'homme d'affaires Hispano-luxembourgeois Gérard Lopez.