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Le boycott de Canal+ annoncé vendredi par l'OM et le Paris SG illustre la défiance grandissante d'une bonne partie du monde professionnel face à la liberté de ton de la chaîne cryptée, pourtant partenaire historique du football français.
Les suspensions de Zlatan Ibrahimovic et Dimitri Payet pour des propos grossiers envers les arbitres révélés par les images de Canal+ ont donc entraîné une riposte inattendue: jusqu'à la fin de saison, les joueurs des deux clubs n'adresseront plus la parole aux journalistes de la chaîne.
Les interviews pendant et après les matches, ainsi que les conférences de presse, étant régies par une simple "charte médias" signée par la Ligue de football professionnel (LFP) et les diffuseurs, l'OM et le PSG ne s'exposent à aucune sanction.
De toutes façons, ce n'était vraiment pas l'intention de la Ligue, qui semble dans cette affaire se ranger du côté des clubs.
Comme le révèle samedi matin le quotidien L'Equipe, la LFP compte en effet envoyer en début de semaine à Canal+ un courrier de mise en demeure lui demandant de respecter les dispositions de l'article 8 du contrat de diffusion qui lie les deux parties.
- Médiatisation croissante -
Celui-ci prévoit que les attributaires des droits de diffusion s'engagent "à ne pas promouvoir des scènes contraires à l?image du football (attitudes inappropriées des acteurs ou des spectateurs) et à donner une image positive du football en mettant l'accent sur les beaux gestes et le beau jeu".
"Plus généralement, tout attributaire s'engage à ne pas dévaloriser l?image de la Ligue 1, des clubs, de la LFP et du football professionnel", peut-on également lire dans ce texte.
Dans les bureaux parisiens de la Ligue, on considère donc qu'en diffusant les insultes de "Zlatan" et Payet, Canal+ a enfreint ces règles. Et on explique clairement que si la chaîne n'obtempère pas, la LFP envisagera de l'empêcher de filmer en dehors du terrain.
Alors comment en est-on arrivé là, alors que Canal+, partenaire du football français depuis plus de 30 ans, est aussi avec ses investissements (420 millions d'euros par an, 540 à partir de 2016) le principal garant de son équilibre économique ?
Certains arguments de l'OM, du PSG (naturellement très proche de BeIn Sports, le concurrent qatari de C+) et de la Ligue peuvent s'entendre: avec la médiatisation croissante de certains joueurs et clubs, l'équité serait menacée, la frustration d'un latéral caennais ou messin attirant a priori moins les caméras que celle d'Ibra.
Mais au-delà de cela, plusieurs dirigeants de clubs de L1 se sont aussi de plus en plus braqués contre Canal+ depuis l'arrivée dans le jeu en 2012 de BeIn, au traitement jugé moins critique et plus bienveillant.
- 'Massacre' -
"Il y a de l'irritation, de l'incompréhension, face au traitement de la L1 par Canal. Certains clubs ont le sentiment d'être bien accueillis par BeIn, moins par Canal", explique ainsi une source proche du dossier.
Encore plus clair, un président de club avait fait part à l'AFP de son exaspération, lors du lancement en 2014 du dernier appel d'offres sur les droits de la L1.
"C'est incroyable de voir (les consultants) Menès ou Dugarry massacrer un produit que leurs employeurs paient un demi-milliard d'euros par an", avait-il dit.
Le passage annoncé des trophées UNFP, sorte de Césars de la L1, de Canal+ à beIN en fin de saison est un autre symptôme de ce "désamour" envers la chaîne cryptée. "BeIN s'est engagé à débloquer un budget supérieur pour mettre en valeur la soirée", avait expliqué au Parisien Philippe Piat, président de l'UNFP.
Depuis deux saisons, la crispation a aussi grimpé autour de l'émission J+1, le lundi soir sur Canal+ Sport, qui diffuse des images sous-titrées des coulisses des matches de L1, avec un ton parfois impertinent, voire franchement indiscret pour ses détracteurs. C'est dans cette émission que les images mettant en cause Payet étaient passées.
Dans un message écrit envoyé à l'AFP, le directeur général adjoint de Canal+, Maxime Saada avait déploré vendredi que "des images officielles, tournées autour des matches (vestiaires, zones mixtes), placent (la chaîne) de facto en situation d'otages de différends entre les clubs et les instances de discipline du Football français et empêchent (les) équipes de journalistes d'exercer leur métier."
Pour autant, les clubs entretiennent parfois eux-mêmes cette ambiguïté vis à vis de l'image. Lorsque le Bastiais Brandao avait mis un coup de tête au Parisien Thiago Motta dans les couloirs du Parc des Princes en août dernier, le PSG s'était empressé de proposer les images de vidéo-surveillance à RMC-BFM.