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Le PDG de l'entreprise chinoise de Ledus Li Wing-Sang, face à la presse après la reprise du FC Sochaux, le 6 juillet 2015 à Auguste Bonal
"Vous êtes viré": depuis leur passage sous pavillon chinois, l'Inter Milan, Aston Villa ou encore Sochaux assistent à une valse des entraîneurs qui soulève des interrogations sur la stratégie de l'Empire du milieu dans le foot européen.
"Souvent, ils recherchent les bénéfices immédiats. Beaucoup de rachats sont irrationnels et défient les lois du marché", déclare à l'AFP Zhou Jiming, chroniqueur et responsable au Journal des sports de Chine, un quotidien officiel. "La majorité manque de patience", tranche-t-il.
C'est le cas à Aston Villa, club de D2 anglaise repris en mai par le groupe chinois Recon. Il a dépensé 38 millions d'euros pour l'entraîneur Roberto Di Matteo (ex-Chelsea), vainqueur de la Ligue des champions 2012. Mais l'Italien a été débarqué après seulement 11 matches et Aston Villa en est à son troisième entraîneur de l'ère chinoise.
Le même nombre que Sochaux (D2 française), racheté à l'été 2015.
Et que dire de l'Inter Milan: propriété du groupe Suning (le "Darty" chinois) depuis juin, le club lombard a fait appel à son quatrième entraîneur... en six mois. Pour un bilan mitigé: une actuelle cinquième place en Serie A et une élimination précoce en phases de poules de la Ligue Europa.
Le limogeage express d'entraîneur est habituel en Chine: Sven-Goran Eriksson a été évincé fin 2016 du Shanghai SIPG (malgré une troisième place en championnat), Fabio Cannavaro écarté du Guangzhou Evergrande en 2015, six mois après sa nomination, et Jean Tigana avait tenu... moins de quatre mois au Shanghai Shenhua en 2012.
Les Européens "n'ont pas l'habitude" de voir des Chinois à la tête de clubs et il faudra "un temps d'adaptation", pronostique Zhou Jiming.
Les investisseurs chinois devraient selon lui prendre en exemple un autre Asiatique, Vichai Srivaddhanaprabha, président thaïlandais de Leicester, le modeste club de Premier League devenu champion d'Angleterre en 2016.
"Il s'est impliqué et a effectué un important travail de fond. Et le succès a été au rendez-vous. Les investisseurs chinois manquent de ce type d'implication", selon M. Zhou.
- 'Nous ne sommes pas bons' -
Mais certains savent rester zen, comme l'observe Peter Kenyon, ex-directeur sportif de Chelsea et Manchester United, aujourd'hui reconverti conseiller pour des transactions sportives.
"Ceux qui sont intelligents veulent avoir leur mot à dire, mais comprennent que leur rôle n'est pas de choisir l'équipe (...) Ils veulent le meilleur staff possible pour gagner", expliquait-il récemment lors d'un forum.
L'Espanyol Barcelone (Liga) et West Bromwich (Premier League), repris respectivement en janvier et en septembre, ont toujours leurs entraîneurs. Même à l'AJ Auxerre, chinoise depuis octobre et piteuse 19e de Ligue 2, le coach Cédric Daury est toujours en place.
"Je travaille avec des hommes d'affaires (chinois) sérieux, sophistiqués, qui comprennent" le football, assure M. Kenyon, qui dit avoir été conseiller lors de plusieurs achats, dont celui de 20% de l'Atletico Madrid par le groupe chinois Wanda en 2015.
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Le dirigeant chinois Zhang Jindong, lors de l'acquisition de l'Inter Milan à Nanjing, le 6 juin 2016
En France, le fonds chinois IDG a acquis début décembre une part identique de l'Olympique lyonnais (OL). Un investissement "sur le long terme" qui vise surtout à développer et vendre en Chine l'expertise de l'OL en matière de formation, selon ses dirigeants.
"Nous n'avons jamais imaginé contrôler totalement Lyon. Nous ne sommes pas bons, pas compétents pour gérer" un club de football, déclare à l'AFP Li Jianguang, qui a dirigé l'opération chez IDG.
- Une meilleure image ? -
Le fonds chinois "a fait une vraie enquête", assure le président de l'OL Jean-Michel Aulas. "Ils ont regardé, sur le plan européen, ce qui leur correspondait le mieux, en termes de clubs, de performances sportives, de formation et d'infrastructures".
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A l'initiative du président chinois Xi Jinping, lui-même fan, une énorme opération de promotion du ballon rond est engagée en Chine. Le pays ambitionne de devenir une puissance du football d'ici 2050. Et si les groupes chinois rachètent des clubs européens, c'est entre autres pour s'attirer les bonnes grâces de leur gouvernement.
Car l'autre ambition de la Chine, via le football, est d'améliorer son image à l'international.
"Le sport vous donne une visibilité énorme. Si le club réussit, cela se reflète sur les propriétaires et sur le pays", estime Peter Kenyon. "Mais en cas d'échec, ça rejaillit très négativement."