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Un ouvrier sur un chantier de Doha, le 1er octobre 2007
Les accusations de travail forcé voire d'esclavagisme sur des chantiers au Qatar ont encore un peu plus miné le futur Mondial-2022 de football dans l'Emirat, après les soupçons de corruption lors de son attribution et le casse-tête posé par le climat dans la région.
Au rythme actuel des décès sur les chantiers au Qatar, au moins 4000 ouvriers pourraient mourir dans l'Emirat avant même le coup d'envoi de cette Coupe du monde 2022, a accusé la Confédération internationale des syndicats (ITUC) jeudi dans les colonnes du Guardian, le quotidien à l'origine de ces accusations.
"Sans les changements nécessaires, plus d'ouvriers mourront à construire les infrastructures de la Coupe du monde que de footballeurs ne fouleront les pelouses lors de ce Mondial", a ajouté Sharan Burrow, secrétaire général de l'ITUC.
Une délégation internationale de syndicalistes se rendra le 7 octobre au Qatar pour "constater les conditions de travail des migrants", a indiqué à l'AFP vendredi un des futurs participants à cette visite, Gilles Letort, de la Fédération nationale CGT des salariés de la construction. Il s'agit de "constater les conditions de travail des migrants, sensibiliser les directions des entreprises locales et tenter de créer un réseau syndical sur place", a-t-il précisé.
La FIFA "préoccupée"
Le départ de cette délégation était prévu avant la parution des révélations du Guardian, jeudi, selon qui, entre début juin et début août, 44 ouvriers népalais seraient morts sur des chantiers au Qatar. A coups de témoignages, le quotidien a dénoncé l'"exploitation et les abus s'apparentant à de l'esclavage moderne" dont seraient victimes ces travailleurs migrants, qui s'entassent par 12 dans des chambres d'hôtel insalubres et attendent depuis des mois qu'on les paie, privés de leur passeport pour ne pas pouvoir fuir.
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Des travailleurs asiatiques nettoient le stade après la demi-finale Australie-Ouzbékistan de la Coupe d'Asie 2011, le 25 janvier 2011 à Doha (Qatar)
"Nous aimerions pouvoir quitter l'entreprise, mais elle nous en empêche", a ainsi déclaré au Guardian un immigré népalais employé au Qatar sur un chantier à Lusail, dans la banlieue de Doha, là où sera érigé le stade de 90.000 places qui accueillera la finale du Mondial.
Les cas d'exploitation de travailleurs engagés dans la construction de stades et autres infrastructures pour les grands événements sportifs ont souvent été dénoncés par les associations de défense de droits humains.
Ne serait-ce que cette année, elles ont pointé du doigt la Russie, qui a transformé Sotchi en haut lieu des sports d'hiver pour les prochains JO en février, et le Brésil, empêtré dans la construction de ses stades pour le prochain Mondial en juin. Mais sans aller jusqu'à décompter des morts par dizaines comme The Guardian le fait avec le Qatar.
Corruption, canicule, esclavagisme
Quand bien même les chantiers concernés par ces décès suspects ne seraient pas directement liés au Mondial-2022 et notamment à la construction des stades, la Fédération internationale du football (FIFA) a exprimé sa "préoccupation" jeudi, via une déclaration de son porte-parole.
Le Mondial-2022 était déjà au menu de la réunion du comité exécutif de la FIFA jeudi et vendredi à Zurich, et il devrait désormais être au centre des discussions après ces accusations. D'ici là, "La Fifa va de nouveau entrer en contact avec les autorités du Qatar", a promis le porte-parole de la Fédération internationale.
Le Comité d?organisation du Mondial-2022 a lui aussi réagi aux accusations du Guardian: "Comme tous ceux qui ont vu les photos et lu l?article (du Guardian), nous sommes choqués. Il n?y a aucune excuse pour que les ouvriers soient traités ainsi au Qatar ou ailleurs".
Selon Aidan McQuaid, directeur de "Anti-Slavery International", les documents publiés par The Guardian jeudi "laissent indiquer du travail forcé, et ça a même l'air d'aller au-delà". "Ce n'est pas vraiment un secret, mais il n'y a pas d'effort concerté de la part des autorités qatariennes pour y mettre fin", a expliqué M. McQuaid à l'AFP.
Ces nouvelles accusations visant le Qatar et en filigrane le Mondial-2022 ne sont malheureusement pour l'Emirat qu'une polémique de plus autour de cette Coupe du monde.
Beaucoup de questions ont en effet été posées sur la façon dont ce minuscule pays, piètre en football mais richissime en pétrole et en gaz, est parvenu à convaincre fin 2010 le comité exécutif de la FIFA de lui confier l'événement sportif le plus populaire de la planète, et ce au nez et à la barbe des Etats-Unis, grands favoris parmi les cinq pays postulants.
Le comité d'éthique de la FIFA enquête actuellement sur ces allégations de collusions, mais il n'a pas encore livré ses conclusions.
Autre polémique entourant ce Mondial 2022: faut-il maintenir cette édition en juin/juillet, comme initialement prévu, ou la déplacer pendant les mois d'hiver, pour éviter les températures de 45C voire 50C de l'été dans le Golfe et les risques que celles-ci auraient pour la santé des joueurs et visiteurs.