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© AFP/FILIPPO MONTEFORTE
Un graffiti représentant le capitaine de l'AS Rome Francesco Totti
sur un mur dans une rue de Rome, le 22 octobre 2016
Ils partagent la même ville, le même ciel et le même stade mais les tifosi de la Lazio et de l'AS Rome assurent n'avoir rien en commun. Le derby de Rome, qui pour une fois oppose dimanche (15h00) deux équipes bien classées et ambitieuses, est le plus chaud d'Italie et divise profondément sa capitale.
Les grandes équipes italiennes sont au nord, à Turin ou à Milan. A elles deux, Roma (actuel 2e au classement) et Lazio (4e) n'ont décroché que cinq "scudetti" et dans la capitale, il n'y a pas grand-chose à gagner à part le derby.
"C'est le match de l'année, une rivalité qui peut te rendre fier pendant un an, avoir le sourire et charrier l'adversaire toute l'année", explique à l'AFP Giulio Lucarelli, patron du restaurant Core de Roma, véritable sanctuaire dédié à la Roma, installé juste en face de l'immeuble où a grandi Francesco Totti .
Giulio "respecte les tifosi de la Lazio". Simplement, le bleu ciel est banni de son établissement, où sont exposés des dizaines de maillots de Totti, De Rossi ou Florenzi dans une orgie de giallorosso.
Patrizio Lillocci prend moins de pincettes. "Je suis né anti-romaniste. Je suis même plus anti-romaniste que laziale", assure-t-il dans la boutique officielle de la Lazio, qu'il gère en famille.
"Si la Roma perd et que la Lazio perd, ça me va. J'ai pour eux une haine sportive démesurée. Pour moi, c'est derby tous les jours, chaque minute, chaque seconde", ajoute-t-il.
- 'Ils ont eu mal' -
Quand on lui demande son meilleur souvenir de derby, Patrizio répond simplement "le 26 mai". Sans préciser l'année, ni ce qui s'est joué ce jour-là, comme si c'était évident, quel que soit l'interlocuteur.
Le 26 mai (2013), la Lazio a battu la Roma en finale de la Coupe d'Italie, dernier succès des biancocelesti dans un derby. "Je les ai vus détruits, j'ai vu leur souffrance. Je n'étais pas content d'avoir gagné mais parce qu'ils ont eu mal", lâche Patrizio.
Même si les tifosi des deux camps dédaignent depuis deux ans le Stadio Olimpico pour protester contre des mesures de sécurité jugées excessives, leur rivalité et leur animosité ont toujours nourri le derby et sa légende.
"Pour un joueur, il n'y a pas mieux. Jouer devant 80.000 personnes où d'un côté ils te sifflent pendant tout le match et de l'autre côté ils t'adorent... C'est extraordinaire", raconte à l'AFP Vincent Candela qui, avec la Roma, a connu l'ivresse d'une victoire 5-1, comme la douleur de quatre derbies perdus consécutivement.
L'opposition entre les deux virages, Curva Nord pour la Lazio et Curva Sud pour la Roma, passe par de magnifiques tifos et par des banderoles, ironiques et drôles souvent, ignobles parfois.
Mais la violence a aussi marqué l'histoire de la "stracittadina" avec en point culminant la mort en 1979 de Vincenzo Paparelli, supporteur laziale tué par une fusée de détresse partie de la Curva Sud.
- Totti partout -
S'ils se partagent l'Olimpico, laziali et romanisti sont inégalement représentés en ville: à la Roma l'avantage du nombre et la domination territoriale, à la Lazio l'ancienneté.
"On est nés les premiers et ça les emmerde", résume Guido, tifoso de la Lazio, après avoir acheté sa place pour dimanche. Son club est en effet né en 1900, Piazza della Libertà, en plein c?ur de la capitale. La Roma n'a suivi qu'en 1927, fruit de la fusion de quatre équipes de la ville sous l'impulsion du Parti fasciste.
La Lazio a refusé d'y participer et est donc le club qui a dit "non" à Mussolini, ce que ses supporteurs n'hésitent pas à rappeler quand on évoque une Curva Nord très marquée à droite.
La Lazio a le privilège de l'âge mais la Roma a Francesco Totti . Si la Lazio a connu d'immenses joueurs comme Piola, Chinaglia ou le Romain Nesta, aucun n'a l'invraisemblable aura du "roi de Rome", 40 ans, dont près de 25 de Serie A avec "sa" Roma.
En photo chez les garagistes du Monte Testaccio, cette étrange colline formée de débris d'amphores antiques, ou sur les murs de la Garbatella, le quartier populaire arpenté en scooter par Nanni Moretti dans Journal Intime, Totti est partout à Rome.
Personne n'a disputé autant de derbies que lui (41), personne n'en a gagné autant (14), perdu autant (15), ni n'a marqué autant que lui (11 buts).
Pour Giulio Lucarelli, "Totti a toujours abordé le derby de façon particulière, avec des célébrations spéciales: son selfie ou le t-shirt +je vous ai encore purgés+. Pour moi, le derby, c'est Francesco Totti ".
C'est donc au capitaine de la Roma que revient le dernier "sfotto" (chambrage) d'avant-derby: "Chacun est libre de choisir son équipe préférée. Certains sont plus chanceux que d'autres, c'est tout."