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D'un côté, un niveau de corruption "inconcevable" selon la justice américaine; de l'autre, des projets de réforme mais un système qui change peu: à trois mois de l'élection de son nouveau président, la Fifa est confrontée à un défi immense pour restaurer une crédibilité mise en pièces.
"Il ne faut pas seulement un changement sur le papier, il faut tout simplement changer les hommes", analyse pour l'AFP le juriste Mark Pieth, qui avait présidé une précédente commission des réformes de la Fifa.
L'instance suprême du football mondial a connu jeudi une nouvelle journée noire en forme de remake du 27 mai, point de départ d'un scandale planétaire.
Elle s'est ouverte à l'aube sur l'arrestation de deux de ses vice-présidents à Zurich en marge du comité exécutif, le Paraguayen Juan Angel Napout et le Hondurien Alfredo Hawit Banegas. Elle s'est refermée sur l'inculpation de 16 nouveaux responsables latino-américains, dont les deux pré-cités, par la justice américaine.
"Le niveau de trahison de la confiance dans cette affaire est véritablement révoltant et l'ampleur de la corruption présumée est inconcevable", a martelé la ministre américaine de la Justice Loretta Lynch.
Elle a chiffré à 200 millions de dollars les pots-de-vin qui auraient circulé à la Fifa depuis 1991. Et a promis de traquer "chacun des individus coupables qui restent dans l'ombre".
- 'Trop peu et trop tard' -
Face à ces accusations, le train de réformes adopté au même moment par le Comité exécutif semble peser bien peu. Parmi elles, la limitation à 12 ans (trois mandats de 4 ans) des mandats du président et des membres du Conseil, un "contrôle renforcé de l'intégrité" de ses 36 membres (contre 24 actuellement) ou la transparence des rémunérations des principaux responsables.
Des propositions qui doivent encore être adoptées par les 209 fédérations au Congrès du 26 février, lors duquel sera élu le nouveau président, successeur de Joseph Blatter, actuellement suspendu. A peine réélu pour un 5e mandat en juin, Blatter avait dû y renoncer sous les pressions liées au scandale.
"Malgré les efforts de la Fifa pour aboutir à ces réformes, c'est probablement trop peu et trop tard", commente auprès de l'AFP l'Anglais Patrick Nally, l'un des spécialistes mondiaux du marketing sportif, notamment auprès du CIO (Comité international olympique).
D'autant que certains projets ont tout bonnement disparu: la limite d'âge du président ou la présence des membres dits "indépendants" au sein du gouvernement de la Fifa, comme les représentants des clubs ou des joueurs.
La Fifa, pourtant, veut y croire. Selon son président par intérim, le Camerounais Issa Hayatou, ce programme de réformes "marque un début de changement de culture".
"La Fifa n'est pas corrompue, il y a juste des individus qui ont fait preuve d'un mauvais comportement", prêche Hayatou en reprenant la formule standard de son prédécesseur.
- 'Toujours les mêmes' -
"Les responsables de la Fifa n'ont pas vraiment procédé à un changement d'état d'esprit. Ce sont toujours les mêmes qui sont là et qui continuent à se défendre", réplique M. Pieth, qui juge toutefois "impressionnant de voir ce à quoi la Commission des réformes a abouti".
"La Fifa va définitivement devoir ouvrir son management et ses réformes à des autorités indépendantes", renchérit M. Nally. Ce dernier point a d'ailleurs été réclamé, sans succès, par les principaux sponsors de la Fifa, comme Coca-Cola, McDonald's, Visa, AB Inbev et Adidas.
L'élection du nouveau président changera-t-elle la donne? Selon Mark Pieth, "il n'y a pas la garantie que les candidats à la présidence incarnent le changement nécessaire".
A ce jour, cinq candidats ont été admis à se présenter: le Prince Ali de Jordanie, le cheikh Salman du Bahreïn, le Suisse Gianni Infantino, le Français Jérôme Champagne et le Sud-Africain Tokyo Sexwale.
Le président français de l'UEFA Michel Platini souhaite être candidat également, mais il est pour l'heure suspendu et risque même une radiation à vie en raison d'un versement contesté de 1,8 million d'euros reçu de Blatter.
Platini sera entendu par la Commission d'éthique de la Fifa "probablement entre le 16 et le 18 décembre", a appris l'AFP vendredi d'une source proche de la Fifa. Après cette date, il devrait en savoir plus sur son sort.
Seul des prétendants à la présidence à s'être publiquement exprimé depuis jeudi, Jérôme Champagne a dit sa "satisfaction" face aux "principes" des réformes adoptées.