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© AFP/FILIPPO MONTEFORTE
Le milieu de terrain ghanéen de Pescara Sulley Muntari (g) à la lutte avec l'attaquant de l'AS Rome Stephan El Shaarawy, le 24 avril 2017 à Pescara
Alors qu'il retrouve de sa superbe sur le terrain, avec une Nazionale séduisante et la Juventus Turin qui s'affirme comme l'une des meilleures équipes d'Europe, le football italien reste encombré par des problèmes de racisme récurrents.
Lors du match de son équipe à Cagliari il y a dix jours, Sulley Muntari, le milieu de terrain ghanéen de Pescara, a ainsi été la cible d'insultes racistes adressées par des supporters du club sarde.
Il s'en est ouvert à l'arbitre, qui lui a adressé un carton jaune pour protestation. Répétant à plusieurs reprises "stop" ou "basta" ("ça suffit"), Muntari a alors quitté le terrain, ce qui lui a valu un deuxième avertissement et une suspension d'un match, finalement annulée en appel.
"Ce qui est arrivé avec Muntari est quelque chose de très important, mais uniquement parce qu'il a réagi. Car malheureusement, c'est loin d'être rare dans le football italien", estime pour l'AFP Mauro Valeri, sociologue et responsable de l'Observatoire sur le racisme et l'antiracisme dans le football.
"Cela ne concerne pas que la Serie A, la Serie B ou même juste le football. Lors des deux dernières années, on a signalé 80 cas de joueurs noirs insultés dans des matches de jeunes, souvent par les parents de leurs adversaires. Mais presque toujours, rien n'est fait", regrette-t-il.
"Récemment, nous avons vu des cas similaires dans d'autres sports comme le basket, qui impliquent parfois des tifosi interdits de stades de football", ajoute le sociologue.
- Peu de sanctions -
Muntari a reçu le soutien de la Fifpro, le syndicat international des footballeurs, et du haut-commissaire des Nations Unies pour les droits de l'homme, Zeid Ra'ad.
Le défenseur de la Juventus Mehdi Benatia a lui été appuyé par son club, quand il a entendu dans son oreillette une personne encore non-identifiée le traiter de "Marocain de merde" samedi lors d'une interview avec la Rai.
Outre le cas Muntari, la Ligue italienne a également relevé lors de la 34e journée de Serie A des "cris racistes" de la part de supporters de l'Inter, de la Lazio et de la Roma.
Aucun n'a donné lieu à une sanction ferme: Cagliari et la Roma n'ont pas été punis, l'Inter et la Lazio ont été condamnées avec sursis à la fermeture d'une partie des tribunes.
Le phénomène n'est pas nouveau et dans un passé plus ou moins récent, l'Ivoirien Zoro, le Ghanéen Boateng, le Nigérian Omolade, le Camerounais Eto'o et le Sénégalais Koulibaly en ont été victimes sans que cela donne lieu à d'importantes sanctions.
"Quasiment aucun incident ne répond aux critères qui doivent être réunis pour que les clubs soient sanctionnés. Et les sanctions, quand il y en a, ne sont qu'avec sursis. C'est ridicule", juge Mauro Valeri.
Pour qu'un incident soit punissable, il faut en effet qu'au moins 1% de la tribune soit concerné, que les cris ou insultes soient "réellement audibles" et qu'ils visent clairement quelqu'un en particulier, selon des critères fixés par la Ligue.
- Discrimination territoriale -
L'Italie est également confrontée au problème de la "discrimination territoriale", le plus souvent à l'encontre des clubs du Sud, en particulier de Naples. Ainsi, le chant "O Vésuve, lave-les par le feu" résonne encore fréquemment dans les stades de la péninsule.
Des cas d'insultes entre joueurs sont également relevés, là encore sans sanctions spectaculaires. En janvier 2016, le Romain De Rossi n'avait ainsi pas été puni pour avoir traité le Croate Mandzukic de "gitan de merde".
En décembre, le milieu de terrain bosnien de la Lazio Lulic avait lui été suspendu 20 jours (soit un match) pour des propos désobligeants contre l'Allemand Rüdiger.
Pour Mauro Valeri, l'une des explications à cette situation est qu'"il n'y a pas de mouvement anti-raciste au sein du football italien et que les associations de lutte contre le racisme ne se penchent pas sur le football".
"En Italie, l'anti-racisme n'est pas le combat de tout le monde. Si vous dites que vous êtes contre le racisme, on peut très bien vous rétorquer que vous êtes un communiste", assure-t-il.