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"Valbuena, on va le tuer!" chanté au Vélodrome: folklore des stades, comme le prétendent les supporters, ou véritable menace de mort, comme le soutiennent les autorités? Les poursuites contre un leader des Ultras Marseillais ouvrent un débat sur ce qui est tolérable, ou pas, dans les tribunes.
L'image était dans tous les médias: lors du match OM-OL il y a deux semaines, un mannequin à l'effigie du joueur lyonnais Mathieu Valbuena - considéré comme un "traître" aujourd'hui engagé à Lyon après huit saisons à Marseille - pendait au bout d'une potence bricolée. Dans une partie des tribunes résonnaient les chants des supporters: "Valbuena, on va le tuer ! Valbuena, Valbuena, Valbuena, il faut le tuer !" Le match a ensuite été interrompu une vingtaine de minutes en raison de jets de bouteilles sur la pelouse, qui n'ont pas fait de blessé.
Ajoutés aux affrontements aux abords du stade, ces incidents ont provoqué une "réponse extrêmement ferme" des autorités. Six supporters arrêtés le soir-même, dont trois ont été condamnés à de la prison ferme en comparution immédiate pour violences volontaires sur des policiers.
"La volonté des pouvoirs publics, c'est de remettre de l'ordre avant que les choses ne dégénèrent plus", a expliqué le préfet de police Laurent Nunez à l'AFP.
Mais l'interpellation mardi de Florent Di Maio, un leader des Ultras Marseille, un "capo" avec le rôle d'animation au micro, a fait glisser les termes du débat.
Le jeune homme de 26 ans, sans antécédent judiciaire, surveillant de collège, est en effet poursuivi non pas pour violences, mais pour provocation à la haine ou à la violence et menace de mort, pour avoir repris au mégaphone ces chants.
Lors d'une première comparution, avant l'examen le 25 novembre du dossier au fond, les débats ont préfiguré ceux du futur procès.
- 'Bestialité' contre 'folklore' -
La vice-procureur Brigitte Lanfranchi a lancé la première salve en citant George Orwell: "Pratiqué avec sérieux, le sport n'a rien à voir avec le fair-play. Il déborde de jalousie haineuse, de bestialité, du mépris de toute règle, de plaisir sadique et de violence ; en d'autres mots, c'est la guerre, les fusils en moins". Pour elle, M. Di Maio est l'"un de ces guerriers sans fusils".
"On n'est plus dans le comique troupier, on est dans la violence, uniquement dans la violence", a-t-elle asséné, reprochant aux supporters de devenir parfois "des espèces d'animaux".
"+Tuez-le+, c'est pas potache. +Tuez-le+, c'est une infraction pénale", a renchéri Me Henri Labi, avocat de l'OM, partie civile, affirmant haut et fort que le club, parfois perçu comme trop complaisant, était décidé à combattre ces comportements.
Florent Di Maio, supporter très actif depuis près de 10 ans, s'est au contraire décrit comme non-violent, "ne cautionnant pas" et même "déplorant" les débordements tels que la potence et les projectiles. Il explique que les supporters souhaitent avant tout "déstabiliser" l'adversaire, en l'occurrence Valbuena.
"Ce qui s'est passé, ça peut être bizarre pour ceux qui sont à l'extérieur, mais c'est du folklore", a enchaîné son défenseur, Me Alain Baduel.
"Ce sont des chants qui sont chantés environ un match sur deux ou trois, qui n'ont jamais provoqué la moindre réaction (...) et qui tout à coup, dans un contexte particulier, prennent un relief nouveau", expliquait-il après l'audience; "la véritable question qui est posée, (...) c'est celle du curseur".
La mort fait partie des "grands thèmes symboliques des tribunes", rappelle pour sa part le sociologue du sport, spécialiste des supporters, Ludovic Lestrelin, "dans les années 1980, vous aviez régulièrement des faire-part annonçant le décès de l'adversaire, des cercueils en carton brandis dans les tribunes (...) On est dans la logique du discrédit et de la déstabilisation".
"La potence a fait grand bruit, mais je ne crois pas qu'il faille la surcharger de sens. On est dans la parodie. Le stade est un lieu où l'on s'autorise un débordement verbal, outrancier, qui ne présume pas du réel passage à l'acte", juge-t-il.