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© AFP/Paul Ellis
Le propriétaire de Chelsea, le milliardaire russe Roman Abramovitch assiste les bras croisés dans les tribunes de Stamford Bridge au match de Premier League contre Tottenham à Londres le 7 avril 2007
Tycoons asiatiques, oligarques russes, émirs du Golfe, businessmen américains: 10 ans après le rachat de Chelsea par Roman Abramovitch, les clubs européens restent la cible de grandes fortunes étrangères. Et pas toujours pour l'amour du maillot.
Depuis le club londonien, première prise notable d'un investisseur étranger, jusqu'à l'Inter Milan racheté en octobre par Erick Thohir, un magnat des médias indonésien, on peut estimer à une petite vingtaine le nombre d'équipes du vieux continent à avoir changé de pavillon. Et ce malgré des finances souvent dans le rouge.
En Angleterre, elles sont même 11 sur les 20 engagées en Premier League, à la faveur de structures -- souvent cotées en Bourse-- plus hospitalières qu'ailleurs.
Le marché anglais n'étant pas extensible, les candidats au rachat de clubs s'intéressent à d'autres horizons dont la France, avec sa gestion plutôt saine des clubs professionnels. Plus en tout cas que l'Espagne et l'Italie où les clubs sont dramatiquement endettés, ou que l'Allemagne, où la loi interdit aux investisseurs privés de détenir plus de 49% des parts.
Le Paris SG, racheté par le Qatar de l'Emir Al Thani en 2011, puis Monaco deux ans plus tard par Dmitri Rybolovlev, un oligarque russe ayant fait fortune dans la potasse, sont ainsi devenus les Chelsea des années 2010, avec les dérives entraînées par de telles injections d'argent.
Fièvre acheteuse et inflation
"L'afflux d'argent a un effet immédiat sur le marché. La première chose que ces nouveaux propriétaires font, c'est d'acheter très cher les meilleurs joueurs. Cela crée une inflation et parfois un déséquilibre sportif avec des clubs qui ne peuvent plus suivre", note Didier Primault, co-directeur du Centre d'économie et de droit du sport de Limoges (CDES).
Auteur d'un rapport destiné à l'Union Européenne dans le cadre de sa tentative de réguler les transferts, le CDES a enregistré les plus gros pics d'inflation après le rachat des Blues en 2003 par Abramovitch, puis lors de la prise de contrôle en 2008 de Manchester City par l'Emir Zayed Al Nahyan d'Abou Dhabi. Et enfin, cette saison, avec la compétition effrénée entre PSG et Monaco, talonnés par le Real et le Barça de l'autre côté des Pyrénées.
Les fortunes investies, soit pour éponger les dettes -- 200 millions d'euros par Thohir à l'Inter Milan -- soit pour acheter des joueurs, n'ont parfois rien à voir avec la logique économique.
Ce fut par exemple le cas lors du récent mercato estival avec Monaco, fraîchement promu de Ligue 2 et auteur du plus coûteux recrutement de la L1, avec 167 millions d'euros. Soit plus du tiers des sommes investies par le pourtant dispendieux Chelsea sur 10 ans.
Une fièvre acheteuse qui n'est pas sans rappeler celle du milliardaire russe Suleiman Kerimov, qui avait attiré fugacement Samuel Eto'o et d'autres stars dans le club caucasien d'Anzhi Makhatchkala en 2011. Ou encore les folies d'un Vincent Tan, le patron malais de Cardiff City, aux méthodes hasardeuses et népotiques.
Le foot comme stratégie politique
"Il y a différents types d'investisseurs", décrypte Frédéric Bolotny, consultant en économie du sport.
"Certains sont dans une recherche de rentabilité indirecte, dans une stratégie politique, comme le Qatar avec le PSG. D'autres dans l'irrationnel. Quand Abramovitch vient à Chelsea ou Rybolovlev à Monaco, ils sont dans une quête de respectabilité. Peu importe si la rentabilité n'est pas au rendez-vous. On ne peut pas mettre tous les investisseurs dans le même panier".
D'autant qu'il en est --de très rares-- qui gagnent de l'argent, comme l'Américain Malcom Glazer, le très habile patron de Manchester United.
Ce que Thohir rêve aussi de faire à Milan. "Il sait que le football aujourd'hui, c'est une industrie importante. C'est un marché lucratif", explique un de ses proches, ancien manager de la sélection indonésienne, Habil Marathi. "Il va faire beaucoup d'argent à long terme. Il y a un marché captif, où peuvent être vendus les produits du club".
Le fair play financier, progressivement instauré par l'UEFA pour que les clubs ne dépensent pas plus d'argent qu'ils n'en génèrent, devrait mettre un coup d'arrêt aux investissements délirants.
"Je ne vois pas comment tout ça va pouvoir passer à partir du moment où le fair play financier requiert un équilibre d'exploitation", estime Bolotny.
Il pointe notamment du doigt le "contrat en or, totalement hors des normes du marché", pour ne pas dire de complaisance, que vient de conclure le PSG avec l'office du tourisme du Qatar. Pour un montant progressif qui pourra atteindre 200 millions d'euros.
Une fois revenue à des bases plus saines, l'Europe du football intéressera-t-elle encore les capitaux étrangers ?