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© AFP/FILIPPO MONTEFORTE
Match entre l'Atletico Diritti (composé de migrants, refugiés et anciens détenus) et le Cetus Roma, le 8 mars 2016 à Rome
Les récents incidents racistes dans le football italien ne doivent "pas être relativisés" mais s'inscrivent dans un contexte "qui est plutôt celui d'une baisse de ces phénomènes" dans un pays "en train de changer", selon Sébastien Louis, professeur à l'Ecole Européenne de Luxembourg et spécialiste du supportérisme radical en Europe.
Q: Que vous inspirent les cas Muntari et Benatia ? L'Italie est-elle plus que d'autres pays concernée par le racisme dans le football ?
R: "On se focalise sur ces incidents du fait du passé chargé de l'Italie en la matière. Il faut se rappeler qu'en 1996, avant un derby de Vérone, un mannequin noir avait été brandi dans la curva de l'Hellas, corde au cou, par deux personnes portant des masques du Ku Klux Klan. On trouvait des symboles d'extrême-droite dans de nombreux stades italiens pendant toutes les années 1980. Il y avait alors des cas d'attaques racistes et des violences racistes avérées à l'extérieur des stades. La situation a tout de même bien évolué et on ne voit plus aujourd'hui un virage entier lancer des cris de singe. En revanche, à intervalles réguliers, des joueurs sont effectivement victimes de slogans racistes. C'est en général le fait d'individus et pas de groupes."
Q: Comment expliquer que ces incidents perdurent ?
R: "Le championnat italien s'est ouvert très tardivement aux joueurs africains. Il y a encore quelques années, on ne voyait jamais de joueur noir en Lega Pro (3e division, ndlr). Ca s'ouvre. Et ces incidents existent sur les terrains du monde entier. Ce qui s'est passé en Italie ne doit pas être relativisé mais il faut rappeler que cela s'inscrit dans un certain contexte, qui est plutôt celui d'une baisse de ces phénomènes. L'Italie est en train de changer et ça se voit. C'est une société qui devient plus multi-culturelle. L'Italie est confrontée à la question migratoire depuis les années 1990 avec les Albanais. Auparavant, l'immigration était essentiellement interne, du Sud vers le Nord, et donc plutôt homogène, sans question de religion."
Q: La situation semble plus inquiétante en Europe de l'Est...
R: "L'Europe de l'Est est plus problématique, on a effectivement des symboles néo-nazis dans des stades en Pologne, en Hongrie, en Bulgarie. Mais ces pays restent pourtant des débouchés possibles pour des joueurs africains qui ne peuvent pas percer ailleurs. Ils arrivent dans des sociétés qui sont mono-ethniques mais il y a finalement peu de manifestations de racisme à leur encontre. Ils sont considérés comme des joueurs, qui défendent les couleurs d'un club, pas comme des migrants."
Q: Pourquoi n'y a-t-il quasiment pas de sanctions ?
R: "Les critères ouvrant la possibilité de sanctions sont subjectifs. Et il est difficile pour un arbitre de se focaliser sur le match et sur ce qu'il se passe dans chaque tribune. Aujourd'hui, on a des manifestations diffuses et c'est tant mieux. Mais elles sont plus dures à identifier. Et puis vous avez un président de la fédération (Carlo Tavecchio en 2014, ndlr) qui a été suspendu pour propos racistes. Certains dirigeants sont coupés d'une certaine réalité et n'ont pas l'ouverture d'esprit de la génération suivante. Il y a un ménage à faire au sein des institutions. Il faut aussi éduquer le public et même si on ne peut pas laisser le phénomène se régler par lui-même, il faut individualiser les sanctions et pas punir toute une tribune."