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Mark Pieth, professeur de droit à l'Université de Bâle, à qui Joseph Blatter avait confié une réflexion sur la gouvernance de la Fifa, estime dans un entretien à l'AFP que "la structure quasi dictatoriale" de l'organisation en pleine tourmente judiciaire, doit être réformée en profondeur.
L'universitaire suisse propose notamment un encadrement du rôle du comité exécutif, une limitation du nombre de mandats du président et une révision du système "un pays/une voix".
M. Pieth avait terminé sa mission en 2013 sans que ses principales recommandations ne soient mises en oeuvre.
En réaction, la Fifa a tenu à préciser que "le processus de réforme engagé en 2011 a conclu en 2013 avec l'adoption de l'immense majorité des recommandations de la commission indépendante (IGC) dirigée par Mark Pieth".
Q: Comment avez-vous réagi à l'annonce de la démission de M. Blatter?
R: "Ca m'a beaucoup surpris, mais c'est une chance pour l'organisation. Cela ouvre la voie vers son rétablissement. Mais il est presque bizarre d'annoncer son départ sans nommer de remplaçant ou de successeur, on ne peut pas tout laisser tomber. Normalement quand un PDG annonce sa démission, un successeur est désigné."
Q: M. Blatter annonce qu'il reste jusqu'à l'élection de son successeur car il veut poursuivre les réformes engagées...
R: "Ca m'étonne. Il aurait pu mener les réformes avant d'être confirmé à son poste. Il pourrait aussi partir quand les candidats à sa succession seront connus."
Q: Comment s'assurer que les futurs candidats ne seront pas à leur tour mis en cause dans le scandale actuel de corruption?
R: "C'est une proposition que nous avions formulée, qu'une enquête éthique ou enquête d'habilitation soit menée sur les candidats, avant leur élection et leur entrée au comité exécutif, au niveau de la Fifa et non au niveau des confédérations. Mais cette proposition avait été bloquée par l'UEFA. Cette enquête n'est pas une garantie mais quand même on aurait pu voir ou anticiper de cette façon des problèmes. Ainsi pour Jeffrey Webb, (ancien président de la Confédération d'Amérique du nord, d'Amérique centrale et des Caraïbes, révoqué de son poste et qui fait partie des 14 inculpés par la justice américaine pour corruption, NDLR), on a pensé qu'il faisait partie des +réformateurs+, mais si on avait mené une enquête sur lui ou d'autres, on aurait pu voir qu'ils étaient proches des +anciens combattants+."
Q: Vous disiez en juillet 2014 que la corruption était "plausible" à la Fifa. Avec toutes les révélations récentes, quel mot utilisez-vous?
R: "C'est toujours plausible, je n'ai pas de fait explicite, je ne connais pas le rapport Garcia dont on attend toujours la publication. Avant de le lire, je ne peux rien dire. Mais je ne comprends pas pourquoi on n'accorde pas plus de crédit à cette dame (Phaedra Almajid, ancienne membre du comité de candidature de Qatar 2022, NDLR) qui accuse trois membres de la Fifa (dont Issa Hayatou, président de la Confédération africaine de football, NDLR) d'avoir accepté de l'argent en échange de leur vote pour l'attribution du Mondial 2022 au Qatar."
Q: Quelles réformes sont de nature à redonner sa crédibilité à la Fifa?
R: "Il faut réfléchir à des réformes en profondeur. Est-ce bien, par exemple, que le comité exécutif gère tout l'argent? Sur le plan de la gestion, il faudrait une structure plus proche de celle d'une entreprise avec d'un côté un conseil d'administration et un vrai management qui gère. Actuellement à la Fifa, les gens sont trop focalisés sur le président."
Q: Faut-il selon vous limiter les pouvoirs du président?
R: "La Fifa possède une structure quasi-dictatoriale, déjà sous Joao Havelange et encore plus avec Blatter. C'est une structure ultra-présidentielle, sans assez de contre-pouvoirs. Il faut limiter les pouvoirs du président mais aussi ceux du comité exécutif. Il faut aussi limiter à deux les mandats du président, c'est ce que nous préconisions."
Q: Quid de la règle un pays/une voix ?
R: "Il faut aussi réfléchir à ce principe qui ressemble au système onusien. C'est déséquilibré: l'Amérique du Sud a 10 voix, la Concacaf 35... Il faut y réfléchir."
Q: Qui pourrait succéder à Blatter? Parmi ceux qui ont déjà été candidats ou dont les noms circulent, voyez-vous un candidat idéal?
R: "Je préférerais une espèce de président de transition, qui dirait +Je ne reste que deux ans+ mais qui apporte la sérénité et mène la réforme. Et dans deux ans on aurait une nouvelle élection. Il faudrait quelqu'un qui n'ait pas de profil politique."
Q: Le Prince Ali, battu par Blatter, peut-il incarner cette réforme ?
R: "Pas nécessairement. Ce n'est pas un poids lourd, il est trop récent dans l'institution."
Propos recueillis par Eric Bernaudeau