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L'omerta qui régnait autour de la Fifa des années durant a volé en éclats depuis le coup de filet ordonné à Zurich par la justice américaine puis l'annonce de la démission de Joseph Blatter. Une déflagration qui laisse perplexe sur les ressorts d'un si long silence et les raisons du grand déballage actuel.
La tentative de corruption de l'Egypte par Jack Warner, qui lui proposait sept voix pour le Mondial-2010 contre autant de millions de dollars, c'était en 2004. L'enregistrement mettant en cause la régularité de l'attribution du Mondial-2010 à l'Afrique du Sud serait lui entre les mains du Sunday Times depuis 2009. Une éternité.
. Les ressorts du silence
Pendant toutes ces années, "on n'avait que des rumeurs, des soupçons. Pas de preuves", explique Pascal Boniface, directeur de l'Institut des relations internationales et stratégiques (Iris) et auteur de "Football et mondialisation" (Armand Colin, 2006).
"L'Egypte, par exemple, ne pouvait rien prouver, poursuit-il. C'était parole contre parole et il y avait l'éventualité de représailles. Il y avait un intérêt mutuel à ne rien dire parce que ces pays peuvent toujours espérer pour l'avenir. Chacun tient un peu tout le monde."
Des liaisons dangereuses parfaitement illustrées par la réaction de Noël Le Graët, l'un des électeurs de Blatter lors du récent scrutin pour la présidence de la Fifa fin mai.
"J'aime bien rendre quand quelqu'un m'a donné quelque chose", expliquait le président de la Fédération française de football (FFF) pour justifier a posteriori son vote pour le Suisse, réélu pour la cinquième fois avant de démissionner quatre jours plus tard. "Et je n'oublie pas que la Fifa nous a confié l'organisation du Mondial féminin en 2019."
Une reconnaissance que le sociologue Patrick Vassort, spécialisé en politique du sport, nomme le contre-don. "Lorsqu'il est question de donner sa voix, son vote, il y a toujours un contre-don. Soit une enveloppe à titre personnel ou pour la fédération, soit la promesse d'une compétition internationale sur le sol de celui qui a donné sa voixe, détaille-t-il.
. Les raisons du déballage
"Nous ne sommes pas face au premier scandale", reprend Vassort, maître de conférences à l'université de Caen et auteur de "CIO, Fifa, le sport mortifère" (Le Bord de l'Eau, 2014), "mais face à une première déflagration, l'intervention de la police (NDLR: le 27 mai à Zurich), et une deuxième, l'implication (NDLR: supposée) de Jérôme Valcke, le secrétaire général, la cheville ouvrière de la Fifa. Cela signifiait que les enquêteurs américains avaient des billes contre Blatter."
Pour nombre de hiérarques de la puissante Fédération, le départ programmé du patriarche est l'occasion ou jamais de choisir le bon camp. "Il fallait que ceux qui avaient des rapports avec lui se refassent une virginité pour profiter le cas échéant des prochaines échéances électorales", explique Vassort. Notamment en parlant, en collaborant avec la police, obtenant ainsi un statut protégé digne des repentis de la mafia. "Quand un parrain tombe, un autre se lève", résume-t-il.
"Les premiers aveux ont entraîné la chute du système, renchérit Pascal Boniface. Comme un château de cartes."
. Le rôle de la justice
Comme dans l'affaire Armstrong et d'autres scandales de dopage ou de corruption, c'est l'intervention de la justice et de la police qui a fait tomber la première carte du château. "La justice américaine ne lâche jamais le morceau et Michael Garcia (NDLR: ex-procureur de New York) n'a jamais admis que son rapport commandité par la Fifa ne soit pas pris en considération", note Vassort.
Pour lui, ce sont eux qui ont permis de rompre une omerta qui n'aurait sinon probablement jamais été brisée.