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© AFP/JAVIER SORIANO
L'ex-défenseur français du Séville FC Julien Escudé, le 13 février 2017 à Madrid
Une ambiance de "Far West", l'impression de "partir à la guerre", de l'ammoniac dans le vestiaire visiteur et des cailloux qui volent... Tel était le derby Séville-Betis au plus fort de la rivalité dans les années 2000, a raconté à l'AFP l'ex-défenseur français Julien Escudé.
Q: Vous avez joué six ans et demi au Séville FC (2005-2012). Que représente le derby contre le Betis ?
R: "On s'en rend compte dès qu'on arrive dans la ville, il y a une vraie ferveur entre les deux clubs, une grosse tension. Il y a les couleurs, le Séville FC en rouge, le Betis en vert. On le ressent déjà avant de jouer le derby. (...) Le premier jour où je suis arrivé à Séville, il faisait beau et j'avais mis une écharpe vert menthe... (Le directeur sportif) Monchi me l'a dit délicatement: +Il y a une chose qu'il faut que tu comprennes, le vert ici ça n'est pas autorisé!+"
Q: En tant que joueur, comment vit-on la semaine précédent le derby ?
R: "On ne te parle que de ça: +Il faut gagner+, +Il faut leur rentrer dedans+... La semaine avant le derby, tu le sens, les gens te racontent des anecdotes, ils te parlent de foot. Tu sens une approche différente de la culture du foot en Andalousie par rapport à l'Espagne ou à l'Europe. Ce sont des latins. A Séville, il y a la Semaine Sainte (festivités de Pâques, NDLR), la Feria et le football. Et le foot, c'est une religion."
Q: Comment est la ville le jour du derby ?
R: "Ce qui m'a le plus marqué, c'est la sortie de l'hôtel. Une fois où on jouait sur le terrain du Betis, quand j'ai pris ma voiture pour rejoindre le rassemblement de l'équipe au stade, c'était une ville morte. J'ai eu la sensation d'être au Far West. Le vent, les papiers qui volent, comme si quelque chose allait se passer, comme si des cow-boys allaient sortir dans la rue. On n'entendait plus un bruit. A notre départ du stade, il y avait énormément de monde autour du Sanchez-Pizjuan pour nous encourager. On partait dans le camp adverse. Et on voyait les embrassades des dirigeants. J'ai eu une sensation bizarre, comme si on partait à la guerre."
Q: Comment étiez-vous reçu dans le camp d'en face ?
R: "On arrive: de l'ammoniac dans le vestiaire, les fenêtres bouchées... Quand on sortait, on se faisait insulter, on se prenait des caillasses dès qu'on visitait le terrain. Les dirigeants du Betis nous disaient: "On n'est pas au courant" et ils assuraient que l'odeur était due au nettoyage du vestiaire. Mais les fenêtres étaient bouchées avec des serviettes et du strap pour les maintenir! Et quand on arrivait en bus, on ne pouvait pas passer, comme par hasard. Il fallait qu'on descende et qu'on marche. (...) A un moment donné, nos supporters étaient interdits d'aller là-bas et inversement. Il y avait pas mal de traquenards, des jets de fumigènes, des poubelles qui brûlaient au milieu des routes quand le bus passait. Quand on repartait, il y avait une escorte, des caillasses jetées sur le bus et il fallait vite s'en aller. Il fallait partir à certaines heures et pas d'autres, et changer d'itinéraire vis-à-vis des supporters adverses qui nous attendaient."
Q: Comment la vive tension des années 2000 a-t-elle fini par retomber ces dernières saisons ?
R: "Avec le décès d'Antonio Puerta (ancien joueur du Séville FC décédé en plein match en 2007, NDLR), il y a eu une fraternité autour de lui et beaucoup de choses ont changé. (...) Cela a vraiment rapproché les deux clubs. Cela s'est normalisé, il y a un peu plus de fraternité, d'éthique sportive. Ca reste un derby assez puissant mais maintenant on joue au football, ça reste une fête. C'est toujours un derby chaud mais ça reste du sport."
Propos recueillis par Jean DÉCOTTE.