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Le football argentin, miné par la violence de ses supporteurs, a encore entaché son image: des hooligans de Boca Juniors ont aspergé des joueurs du grand rival River Plate avec un produit irritant à la mi-temps du 8e de finale retour de Copa Libertadores.
Comble de la bêtise, en agressant quatre joueurs de River Plate, qui souffrent de brûlures de premier degré, jeudi au stade de la Bonbonera -fermé sur décision administrative vendredi le temps de l'enquête policière- les "barrabravas" de Boca ont probablement précipité l'élimination de leur équipe, battue 1-0 à l'aller.
La Confédération sud-américaine (Conmebol), organisatrice de la Copa Libertadores, y voit un incident "d'une énorme gravité". De son côté, Joseph Blatter, président de la Fifa, estime que "le football ne peut pas être meilleur que la société", mais que "la violence devrait quitter le football".
La Conmebol devait se prononcer samedi. Elle donnera probablement la victoire sur tapis vert à River. Le président de Boca Daniel Angelici s'attend à une sanction. "On ne veut pas être les otages des violents, ni que l'incident tombe dans l'impunité", a-t-il dit lors d'une conférence de presse.
"C'est une honte pour le football", a réagi à son tour l'entraîneur de Boca, Rodolfo Arruabarena.
Boca Juniors, club le plus populaire d'Argentine, a signé un bon début de saison. Leaders du Championnat après leur victoire 2-0 face à River début mai, les coéquipiers de Fernando Gago pouvaient espérer renverser la vapeur devant leur chaud public.
D'habitude, la rubrique violence est alimentée par des règlements de compte entre supporteurs, souvent du même club, car beaucoup d'argent est en jeu avec la revente de billets, de maillots, de drogue et la gestion du stationnement autour des stades.
Ces affrontements, essentiellement à Buenos Aires, ont tué douze personnes en 2013, seize en 2014, et déjà trois cette année.
La violence est telle, dans et autour des stades, que les autorités politiques ont interdit les déplacements de supporteurs pour éviter les heurts.
La rencontre Boca-River avait débuté par une minute de silence en hommage à un joueur de 4e division, mort en plein match. Des millions d'Argentins étaient rivés à leur téléviseur et 60.000 spectateurs étaient dans la Bombonera pour assister au "Superclasico" du football argentin.
- Supporteur tout-puissant -
A la fin de la mi-temps (0-0), les joueurs de River Plate ont été agressés dans le tunnel gonflable qui relie les vestiaires à la pelouse lors de leur retour sur le terrain.
Le défenseur de River Plate Ramiro Funes Mori en est sorti les mains sur le visage: "Je n'y vois plus rien, je suis brûlé".
Après l'incident, les joueurs de Boca sont allés saluer amicalement les supporteurs et se sont positionnés sur le terrain, comme pour jouer, alors que l'annonce de la suspension de la rencontre avait retenti dans la Bombonera.
L'arbitre et le délégué de la Conmebol ont longtemps tergiversé avant de trancher, vers 23h00, plus d'une heure après l'incident. Les joueurs de River Plate ont dû attendre 02h00 du matin pour pouvoir quitter le stade en toute sécurité.
Les autorités redoutaient des débordements de violence en dehors du stade, mais la nuit a finalement été calme.
Les rencontres entre Boca Juniors et River Plate se déroulent généralement sous haute tension, tant la rivalité est forte entre les deux clubs de Buenos Aires.
Dans le quotidien sportif Olé, l'éditorialiste Tomas Sanz dénonce "l'ingéniosité perverse des supporteurs".
"(Jeudi) c'était Boca, demain, ce sera un autre club. Dénoncer l'un des nôtres responsables de cette bassesse. Jamais. Un code non-écrit l'empêche. La certitude que des dirigeants et même des policiers tolèrent la violence laissent perplexe", écrit-il.
Le football argentin s'est progressivement enfoncé dans une violence incontrôlée, offrant tout pouvoir aux "barrabravas", les supporteurs ultras. Un pouvoir que ni les dirigeants du foot, ni les politiques ne remettent en cause.
Vendredi matin, le président la Fédération argentine de football Luis Segura bottait en touche: "Nous ne sommes pas responsables de la violence et de l'insécurité".
Le secrétaire à la Sécurité Sergio Berni appelait lui "les dirigeants du football à prendre leurs responsabilités".