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Tué par un objet tranchant lancé des tribunes par des supporteurs mécontents, ou passé à tabac dans les vestiaires? Quatre mois après le drame qui a bouleversé le milieu du football en Algérie, deux thèses s'affrontent sur la mort d'Albert Ebossé.
Seule certitude: l'attaquant camerounais du prestigieux club de la JS Kabylie, 24 ans, meilleur buteur du championnat la saison passée, est bien décédé à la fin du match au stade du 1er-Novembre à Tizi Ouzou, le 23 août, après la défaite à domicile (2-1) face à l'USM Alger.
Cette défaite, face à un sérieux rival pour la conquête du titre de champion qui échappe depuis de nombreuses années à la JSK, suscite alors la rage de plusieurs groupes de supporteurs. Car plus qu'un club de football, la JSK est le porte-drapeau de l'identité d'une région rebelle.
Dès la fin du match, ces supporteurs envahissent une tribune en surplomb du tunnel menant aux vestiaires et arrosent les joueurs de pierres et de morceaux d'ardoise récupérés sur un chantier proche du stade, alors que ceux-ci se précipitent sous le tunnel pour se mettre à l'abri.
"Il s'est écroulé sous mes yeux, juste à l'entrée du tunnel", raconte un technicien du club interrogé jeudi par l'AFP. "Le médecin a tenté de le ranimer mais n'a pas réussi. J'ai aidé à le placer dans l'ambulance qui se trouvait sur place", ajoute-t-il, assurant que l'attaquant "n'est pas du tout parvenu aux vestiaires", accessibles par un escalier montant.
- Autopsie -
Ebossé est déclaré mort après son arrivée à l'hôpital tout proche du stade. Puis son corps est transféré vers l'hôpital militaire d'Alger, d'où il est transporté vers son pays natal pour y être enterré.
Le président du club, Mohamed-Cherif Hannachi, avait évoqué dans un premier temps un arrêt cardiaque. Mais le procureur parle ensuite d'une mort due à une hémorragie causée par un "objet lourd et contondant" ayant touché le joueur à la tête.
Quant au ministre des Sports, Mohamed Tahmi, se référant au rapport d'autopsie, il évoque deux semaines plus tard un "morceau d'ardoise tranchante" ramassé près du stade.
Mais une autopsie pratiquée à la mi-septembre au Cameroun, et dont les résultats viennent d'être révélées, contredit cette thèse.
Ebossé est mort "des suites d'une agression brutale avec polytraumatisme crânien", affirme le médecin anatomo-pathologiste camerounais André Mouné, qui a pratiqué une autopsie privée à la demande de la famille. Selon lui, Ebossé a été tué lors d'une rixe dans les vestiaires, après la rencontre.
"C'est totalement farfelu: Ebossé est tombé sur le terrain et a été évacué par une ambulance à partir de là", réfute un dirigeant kabyle, contacté jeudi par l'AFP.
Le ministre algérien de la Justice Tayeb Louh a déclaré jeudi à la presse que "l'enquête préliminaire (était) terminée et le dossier, avec tous les éléments, transféré au parquet".
Il a ajouté que le parquet allait "nommer un juge d'instruction et inculper toute personne impliquée dans sa mort directement ou par négligence".
Concernant la contre-autopsie, M. Louh a souligné que "chaque partie, conformément à la loi, peut présenter ses observations à la justice".
- 'Signes de lutte' ? -
L'autopsie effectuée au Cameroun a pourtant permis de relever "des signes de lutte (caractérisés) par la luxation de l'épaule gauche" et "une clavicule sectionnée avec un tranchant tellement oblique que nous avons pensé qu'il a été provoqué par un coup de couteau", selon le Dr Mouné.
Pour le médecin, Ebossé aurait également reçu un coup de "matraque à la tête", qui aurait provoqué "un enfoncement du crâne" et touché le cerveau. Le Dr Mouné a également constaté une "rupture des vertèbres cervicales".
"C'est à croire qu'il a été écrasé par un autobus", ironise le technicien de la JSK interrogé par l'AFP. "Tout cela n'est que mensonge et manipulation. Mais à quelle fin?", s'interroge-t-il.
Pour le quotidien Liberté, jeudi, les conclusions de la contre-autopsie "sont graves" et "portent atteinte aux institutions et à la justice algériennes".
Mardi, le ministre des Sports algérien, interrogé par la presse, s'était refusé à tout commentaire, notant tout simplement que "le dossier est entre les mains de la justice algérienne". Mais l'enquête "ne progresse pas", a confié une source proche du dossier à l'AFP.