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Les descendants de Jean-Camille Formigé (1845-1926), architecte-paysagiste emblématique de Paris, appellent à protéger le Jardin des serres d'Auteuil, chef-d'oeuvre de leur aïeul, alors que les organisateurs du tournoi de Roland-Garros prévoient d'y construire un stade de tennis.
"La destruction de ce site, juste pour une affaire de gros sous, nous fait énormément de peine", déclare à l'AFP Jean-Camille Formigé, 31 ans, arrière-arrière-petit-fils de l'architecte, qui a saisi le gouvernement avec sa mère, Laurence Formigé, sa soeur Virginie et son oncle, Patrick Formigé.
L'auteur du square de la butte Montmartre et des jardins du Champ-de-Mars, au pied de la Tour Eiffel, est un symbole de Paris et l'appel de ses descendants intervient alors que la capitale doit élire un nouveau maire les 23 et 30 mars.
Les Formigé ont écrit une lettre à la ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, et au ministre de l'Ecologie, Philippe Martin, responsables de ce monument naturel inscrit à l'inventaire des monuments historiques, se disant déterminés "à aller en justice pour défendre l'intégrité de ce site exceptionnel".
Au ministère de la Culture on prend leur appel au sérieux, car les descendants pourraient attaquer en tant que gardiens du droit moral de l'oeuvre.
"Nous voulons rassurer les descendants de Formigé: nous n'allons pas porter atteinte à son oeuvre", déclare à l'AFP le directeur de la Fédération française de tennis (FFT) et de Roland-Garros, Gilbert Ysern, déterminé à réaliser le projet d'extension sur le Jardin des serres d'Auteuil d'ici à 2020.
- Un jardin qui "a une âme" -
Le tournoi, qui a besoin de se développer, considère essentiel de rester à Paris pour préserver son rang mondial et sa singularité. Il a refusé un contre-projet proposé par les associations de défense des serres d'Auteuil consistant à recouvrir une bretelle d'accès de l'autoroute A13, l'estimant trop onéreuse.
"J'ai envie qu'on aille vers les serres de Formigé !", dit Gilbert Ysern. "J'ai envie qu'on montre à la terre entière que Roland-Garros n'a rien à voir avec aucun autre site de tennis dans le monde".
L'architecte responsable du projet, Marc Mimram, tout aussi enthousiaste, se défend d'être "un barbare". "Je n'aurais jamais participé à ce projet si j'avais le sentiment qu'on défaisait quelque chose de l'oeuvre de Formigé", dit-il à l'AFP, expliquant que des serres contemporaines seront construites autour du nouveau court de tennis. "Le stade, on ne le verra pas", assure-t-il.
Mais pour Patrick Formigé, 73 ans, architecte, "le jardin est une entité". "En couper un bout, c'est démembrer le projet d'origine", explique-t-il depuis le Vietnam.
Virginie Formigé, 55 ans, architecte-paysagiste comme son aïeul, estime que ce jardin "a une âme". "On ne peut pas mettre en place de telles installations sans toucher sa poésie profonde", dit-elle en parcourant avec Jean-Camille les serres chaudes d'origine qui contiennent des milliers de plantes tropicales rares et doivent être détruites avec quelque 25 arbres pour faire place, juste à côté de la grande serre historique, à un stade de 4.950 places.
L'Icomos, conseil de l'Unesco qui oeuvre à la conservation des momuments et des sites historiques dans le monde, a évalué sur place l'impact du projet et jugé que le site était "gravement menacé dans son intégrité paysagère et botanique", appelant la Mairie de Paris et la FFT à abandonner le projet.
Les associations de défense, qui avaient obtenu l'annulation d'une première convention passée entre la Ville de Paris et la FFT, viennent toutefois d'être déboutées de trois nouveaux recours fin février.
"Nous allons faire appel", dit la porte-parole du comité de soutien, Lise Bloch-Morhange, qui revendique près de 55.000 signatures, parmi lesquelles la chanteuse Françoise Hardy, présidente d'honneur du comité, ou l'écrivain Erik Orsenna. "On a déjà gagné trois ans".