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© AFP/THOMAS SAMSON
Vue aérienne du stade Roland-Garros, le 14 juillet 2016 à Paris
Agrandir le stade Roland-Garros en mordant sur le jardin classé des Serres d'Auteuil: la justice a examiné jeudi pour la première fois en détail ce projet, "indispensable" pour la Fédération française de tennis, mais qui va "défigurer" l'oeuvre de l'architecte pour ses héritiers.
Le tribunal de grande instance de Paris dira le 10 novembre s'il accède à la demande des héritiers de l'architecte du jardin classé, Jean-Camille Formigé (1845-1926), de suspendre les travaux en cours et de remettre en état le jardin.
C'est au sommet de la "tour d'argent", dans une petite salle circulaire mansardée où l'on verrait volontiers un rouet et une fée, que la joute s'est tenue. Le dossier fait depuis des années l'objet d'une âpre bataille entre les défenseurs du patrimoine d'une part, la Fédération française de tennis (FFT) et la mairie de Paris d'autre part.
Le projet de la fédération, présenté en 2011, prévoit de détruire des "serres techniques" et des "serres chaudes", abritant des milliers d'espèces tropicales (depuis déplacées), qu'elle juge sans valeur architecturale, pour construire un court semi-enterré de 5.000 places aux abords immédiats des serres historiques.
La mairie de la capitale, propriétaire du stade Roland-Garros et du Jardin des Serres d'Auteuil, défend un projet qui participe au "rayonnement de Paris" et qui est nécessaire au maintien du tournoi international du Grand Chelem. La FFT souligne que les travaux ne visent que des serres "modernes", construites après 1980.
"Cela va devenir +les jardins du stade+", prévient l'avocat des héritiers Formigé, Me Philippe Zagury, qui estime que le nouveau court, par sa taille, "va devenir l'élément central du jardin", "écraser les perspectives" et "dénaturer un jardin original à l'ordonnancement rythmé".
Les héritiers affirment que les serres visées, même si elles ne sont pas elles-même classées, s'inscrivent, au regard des plans initiaux de 1898, dans l'ensemble que constitue le jardin.
"Le nouveau bâtiment va être plus grand, plus important que le Palmarium, la serre principale", affirme-t-il, ajoutant: "c'est comme si on mettait un mur à trois mètres de votre fenêtre".
Indignation dans les rangs adversaires. On sort les plans d'époque, les croquis des anciennes et nouvelles serres. "La hauteur maximale du stade est de 8 mètres, alors que le Palmarium est à 16 mètres", relève Me Julien Guinot-Deléry, un des avocats de la FFT.
- Un stade 'jamais visible' -
"Le nouveau court a été conçu semi-enterré, entièrement bordé de serres, pour s'intégrer dans la plus grande harmonie au jardin", affirme-t-il. Il détaille tous les travaux de rénovation prévus, qui vont notamment rendre leur lustre aux pierres meulières de l'orangerie, "exactement suivant les plans de Formigé".
Le stade lui-même ne sera "jamais visible" et ses accès ne seront ouverts au public à travers le jardin "que six semaines par an, le temps du tournoi". "Si on soutient ce projet, c'est qu'on est convaincu qu'il ne porte pas atteinte à l'oeuvre de Formigé", a renchéri l'avocat de la mairie de Paris, Marc-Olivier Deblanc.
L'avocat de la ville a dit sa "sidération" face aux demandes des héritiers qui "ne démontrent en rien l'originalité du jardin": "vous parlez d'ordonnancement, de rythme: une barre HLM peut être rythmée, en quoi est-elle originale?".
Et qu'en penserait Jean-Camille Formigé? Pour les avocats de la FFT, l'architecte, ami de Gustave Eiffel, était "un moderne" qui n'aurait pas renié le changement et avait affirmé lors de discussions sur la rénovation d'une église: "vouloir tout conserver, sans discussion et sans choix, c'est du fétichisme". Une phrase sortie de son contexte pour les héritiers.
Dans ses dernières décisions, la justice a plutôt penché du côté de la fédération. Elle a autorisé le 18 octobre la reprise des travaux, qui ont effectivement redémarré. Cette décision faisait suite à une autre du Conseil d'Etat, qui avait le 3 octobre validé le permis de construire.