Happy Birthday : |
Marc Marquez qui souffre d'une fracture à une main, Jorge Lorenzo d'une élongation à l'épaule gauche: malgré leur blessure, tous deux participent au Grand Prix du Japon car les pilotes moto sont habitués à faire "abstraction de la douleur", selon les spécialistes de ce sport à risques.
"Malgré une longue expérience, je ne comprends toujours pas comment les pilotes peuvent ainsi repousser les seuils de la douleur jusqu'à en faire même abstraction", assure à l'AFP Bernard Achou qui fut pendant 21 ans kinésithérapeute-ostéopathe au sein de la Clinique mobile installée depuis 35 ans sur tous les circuits du monde où se déroulent des courses.
En marge du GP du Japon à Motegi, le pilote français de Moto3 Alexis Masbou , donne son explication: "Je préfère finalement ne pas prendre d'anti-douleurs car je conserve le ressenti et je peux gérer une souffrance de même niveau du début à la fin alors que c'est beaucoup moins facile quand elle reparaît en fin de course".
- Récupération déconcertante -
La facilité de récupération de ces hommes comme leur volonté de courir déconcerte. Ainsi, Randy De Puniet , opéré d'une cheville brisée 15 jours auparavant, avait pu délaisser ses béquilles pour effectuer, au sens propre du terme, le tour d'une table à la demande des médecins en 2009 à Misano avant un GP. Son pied était tellement gonflé, qu'à chaque arrêt au stand il devait le sortir de sa botte et le placer sous un ventilateur. Pour le commun des mortels, six semaines de convalescence au minimum auraient été nécessaires avant de remettre le pied par terre.
De même, Rossi avec sa double fracture tibia-péroné en 2010 a repris le guidon six semaines après (six mois d'arrêt sont généralement nécessaires) sans parler de Lorenzo, opéré d'une clavicule le vendredi soir et cinquième de la course le dimanche à Assen en 2013...
Masbou, vainqueur du Grand Prix du Qatar en début de saison, estime avoir été victime de 20 à 30 fractures depuis ses débuts en compétition il y a 15 ans.
Un bilan qui fait froid dans le dos mais qui doit être modéré. Car tout le corps du motard est à la merci d'une chute: les clavicules, les poignets, les bras, les mains, les côtes, les jambes. La tête, grâce au casque intégral en vigueur depuis plus de 40 ans, bénéficie des plus belles avancées technologiques dans le domaine des matériaux et l'air-bag, de plus en plus utilisé, peut éviter les plus graves traumatismes.
- 40 à 120 chutes par week-end de course -
"Chaque week-end, nous avons à traiter entre 40 et 120 chutes selon les circuits et la météo. En fait, moins de 5% d'entre elles entraînent une pathologie", relève le docteur Achou.
A l'occasion de ces chutes, "le médecin traitant donne un premier avis puis une commission formée du médecin directeur du MotoGP, de celui du circuit et d'un représentant de la Clinique mobile prend la décision de laisser ou pas un pilote courir", explique-t-il.
La sécurité des circuits aidant, les accidents mortels deviennent rarissimes comparé à ceux survenus jusqu'aux début des années 80.
"En 21 ans de service, je n'ai eu qu'à déplorer trois décès", poursuit l'osthéopate qui officie à Aix-en-Provence. Daijiro Kato (Suzuka 2003), Shoya Tomizawa (Misano 2010) et Marco Simoncelli (Sepang 2011) ont perdu la vie dans des circonstances exceptionnelles.
"Même si en moto de vitesse on a la possibilité de pouvoir courir en étant blessé, car les contraintes sur le corps sont plus modérées que dans d'autres sports, je n'ai toujours pas compris pourquoi et comment ils faisaient", répète le kiné.
Dans certains cas toutefois, la douleur est telle que le pilote se retrouve obligé de déclarer forfait même si l'enjeu est de taille, démontrant que les limites de la souffrance et de la sécurité existent.
Ainsi, l'Espagnol Esteve Rabat a-t-il renoncé au Grand Prix du Japon vendredi en pleine séance d'essais libres en raison d'une vive douleur et d'un cruel manque de force dans son bras gauche... laissant du même coup le Français Johann Zarco devenir champion du monde Moto2 sans même avoir à courir le GP.