A coup d'attaques juridiques réciproques, Canal+ et la chaîne qatarie BeIN Sports poursuivent leur duel sur les droits sportifs, qui se joue maintenant sur les droits des matches de L1, un enjeu crucial.

Les deux chaînes ont chacune marqué des points depuis janvier: Canal+ a racheté au prix fort les droits du Top14 de rugby, mais BeIN Sports lui a soufflé les 64 matches du Mondial, dont 36 exclusifs, et acquis les droits du Mondial de handball 2015 et 2017.

Ce mardi, Canal+ est passé à l'offensive sur les droits de diffusion des matches de football de Ligue 1 et Ligue 2 pour 2016-2020, essentiels pour garder ses abonnés face à la concurrence grandissante de la chaîne qatarie, qui a déjà conquis 1,7 million d'abonnés depuis son lancement mi-2012.

La filiale de Vivendi s'efforce de retarder l'appel d'offres de la Ligue de football professionnel, qui expire le 4 avril. Elle conteste en effet la décision surprise de la Ligue de lancer l'appel d'offres pour ces droits un an plus tôt que prévu.

Canal+ a donc lancé deux procédures mardi pour retarder l'échéance et avoir le temps de défendre son dossier auprès des autorités du foot et des clubs. D'abord une demande de référé déposée devant le TGI de Paris pour suspendre l'appel d?offres, avec une audience prévue le 24 mars, et d'autre part une saisine de l'Autorité de la Concurrence.

Canal+ détient actuellement les droits exclusifs de diffusion en direct des deux meilleurs matches de chacune des 38 journées du championnat de L1, jusqu'en 2016. Elle avait acquis ces droits en 2011 pour 420 millions d'euros.

BeIN Sports, qui casse les prix avec son abonnement à 11 euros par mois, n'avait acquis que les droits du troisième choix de match et un lot de rencontres moins prestigieuses, pour 150 millions.

- Perte d'abonnés -

Si jamais le 4 avril BeIN Sports, qui dispose de fonds très importants, raflait tous les matches de L1, Canal+, dont un tiers de ses abonnés (au nombre confidentiel) viennent à cause du foot, aurait tout à craindre, et ce dès cette année. Car, estime-t-elle, un amateur de foot hésitera à s'abonner à sa chaîne, avec l'impression, deux ans à l'avance, que tout se passera sur BeIN.

Elle veut donc d'urgence convaincre les autorités du football de ne pas vendre tout à BeIN. Si Canal+ disparaissait, BeIN, seul acquéreur, pourrait réduire ses offres à l'avenir. Une menace pour tous les clubs français, largement financés par les droits télé, fait valoir la chaîne cryptée, un argument qui porte.

La Ligue espère cependant voir monter les enchères. Les droits des matches de L1 avaient été répartis en 2011 à Canal+ et BeIN Sports pour 2012-2016, pour un total en baisse, à 607 millions d'euros, contre 668 millions pour 2008-12.

Les autorités du foot regardent avec envie la stratégie de la Ligue nationale du Rugby (la LNR) qui a gagné gros en mettant les deux chaînes en concurrence. La LNR a en effet rompu son accord historique avec Canal+ en janvier et relancé un appel d'offres. Au dernier moment, elle a repris des négociations de gré à gré avec Canal+ et lui a vendu les droits pour 5 saisons, pour 355 millions d'euros, soit 71 millions par saison, contre 31 millions jusque-là.

En rétorsion, BeIN a annoncé mardi avoir saisi l'Autorité de la concurrence contre ces conditions d'attribution.

Une autre bataille se prépare sur les droits de la Champion's League et de l'Europa's League, également prévus pour début avril.

BeIN, dont le président Nasser Al-Khelaïfi est aussi celui du Paris SG, a aussi diffusé l'intégralité de l'Euro-2012 et fera de même en 2016.

Canal+ a admis perdre des abonnés face à BeIN. En juillet 2013, elle a porté plainte contre la chaîne qatarie pour concurrence déloyale et lui réclame près de 300 millions d'euros pour distorsion de concurrence entre elle et la chaîne qatarie, financée par le fonds souverain du Qatar, aux ressources considérables.

Frédéric Thiriez, président de la Ligue de football professionnel, s'est déclaré lui serein face au "comportement habituel de Canal+" pour retarder l'appel d'offres des droits TV, dans un courrier adressé mardi aux clubs de L1 et L2, que l'AFP s'est procuré.