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L'Irlande, double tenante du titre dans le Tournoi des six nations grâce à un rugby direct et efficace, est en pleine interrogation sur son style de jeu et la nécessité de se renouveler pour aller encore plus haut.
C'est une question simple mais terriblement délicate: doit-on retoucher la formule gagnante ?
Car depuis la prise de fonctions du Néo-Zélandais Joe Schmidt à l'été 2013, le XV du Trèfle a sérieusement reverdi en raflant coup sur coup deux Tournois et en postulant à un troisième sacre inédit dans l'histoire de la compétition.
Schmidt présente jusque-là un bilan plutôt flatteur: 20 victoires en 28 matches dirigés, soit un taux de succès de 71%. En s'appuyant sur une organisation générale tournée quasi-entièrement vers la réussite de la sélection nationale, l'ancien patron du Leinster a bâti un collectif parfaitement huilé, maître de ses systèmes et sûr de son identité.
Ces dernières années, c'est donc l'Irlande qui a donné le tempo dans l'hémisphère nord, inventant le "choke tackle" (plaquage-chaise) qui maintient debout et enferme l'attaquant adverse, ou encore domptant à la perfection l'art du "box kicking" (jeu au pied de pression derrière les rucks), sur fond de défi physique permanent via de longues séquences de conservation du ballon.
- "Un style plus expansif" -
Ce rugby très programmé, résumé au triptyque défense-conquête-occupation, souvent adossé à un jeu à une passe et à la multiplication des rucks, a cependant montré ses limites à la dernière Coupe du Monde. Porte-étendard européen, l'Irlande a succombé comme les autres au jeu de mouvement de l'hémisphère sud, s'inclinant 43 à 20 en quarts contre l'Argentine.
De quoi déclencher un débat passionné entre tous les éditorialistes ovales du pays, à commencer par la figure tutélaire George Hook qui, à 74 ans, plaide pour une indispensable évolution.
"Pas une seule équipe de l'hémisphère nord n'a atteint les demi-finales de la Coupe du Monde, ce qui ne fait que souligner le faible niveau du rugby pratiqué en Europe en ce moment", tonne-il dans les colonnes de l'Irish Independent, rejoint par l'ancien international Alan Quinlan (27 sél).
"Le plus grand risque est de vouloir conserver les choses telles qu'elles sont. Si l'on veut gagner un autre Tournoi, il est vital que l'on adopte un style plus expansif", martèle le 3e ligne.
En parallèle, les résultats en berne des trois grandes provinces irlandaises (Leinster, Munster, Ulster) sur la scène européenne ont également soulevé des inquiétudes. Pouponnières pour les pensionnaires du Trèfle, elles ont toutes échoué à se qualifier pour les quarts de finale, une première.
Certes, la difficile digestion du retour des mondialistes combinée à la puissance financière et cosmopolite des clubs anglais et français n'ont pas aidé. Mais le jeu trop stéréotypé, si l'on excepte quelques frémissements du côté de l'Ulster, donne matière à réflexion.
- Le symbole Sexton -
En s'adjoignant les services d' Andy Farrell , réputé autant pour sa compétence que pour son fort caractère, au sein de l'encadrement, Schmidt a d'ores et déjà montré sa volonté de rompre la routine. L'ancien entraîneur de la défense du XV de la Rose n'arrivera cependant qu'après le Tournoi pour faire entendre ses vues à un Schmidt solidement installé sur son piédestal.
Entre l'avalanche de blessures et le départ à la retraite de l'emblématique deuxième ligne et capitaine Paul O'Connell , Schmidt doit en attendant composer avec une équipe mixte, qui a tenu cahin caha la route dimanche (16-16) en s'arc-boutant sur ses fondamentaux, face à un pays de Galles désireux d'imprimer du volume à la partie.
Ce remaniement d'effectif forcé n'est toutefois pas l'idéal pour impulser un changement en profondeur, d'autant plus que le réservoir de joueurs irlandais est structurellement limité (75.000 licencés, 7 millions d'habitants sur l'île) et n'offre donc pas une immense variété de profils.
Symbole du pragmatisme irlandais, l'ouvreur Jonathan Sexton (30 ans, 57 sél) et sa botte en or semble ainsi encore intouchable à son poste. Si révolution il y a, elle sera donc de velours, alors que son adversaire de samedi, la France, voit davantage l'urgence de renverser la table.