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Grand architecte des triomphes toulonnais de ces cinq dernières années, Bernard Laporte va tourner avec émotion une page importante du RCT et de sa vie vendredi soir en finale du Top 14, laissant l'image d'un manager aussi sanguin que chaleureux.
Nul besoin d'être devin pour prédire que la "der" de Laporte sera un puissant levier de motivation pour les 23 acteurs toulonnais au Camp Nou. A mesure que l'échéance approche, lui esquive comme il peut les inévitables questions sur ces 80 ultimes minutes aux commandes d'une équipe qu'il a en grande partie bâtie et portée au pinacle.
Depuis son arrivée fin 2011, l'ancien sélectionneur du XV de France (1999-2007) a exacerbé les passions dans cette ville à part, menant ses troupes à huit finales sur dix possibles et remportant trois Coupes d'Europe (2013, 2014, 2015) et un Bouclier de Brennus (2014) en attendant l'épilogue barcelonais.
"Quand j'ai fait signer Bernard, je n'imaginais pas aller jusque-là avec lui", assure ainsi le président Mourad Boudjellal avec qui l'"association a marché de façon exceptionnelle".
"On redoutait ce moment où Bernard allait nous quitter. L'entraîneur, on le remplacera. Mais l'homme, on ne le remplacera pas. Bernard est un mec à part", poursuit l'ancien éditeur de bandes dessinées
- "Une espèce de poète" -
"J'ai rencontré de grands mecs dans ma vie, des Charb, Wolinski, Uderzo... Je le classe parmi ces gens-là. Des gars qui vivent leur vie et sortent des sentiers battus. Bernard, c'est ça : une espèce de poète qui s'est perdue dans le monde du rugby", poursuit-il, lyrique.
Difficile de croire qu'il y a cinq ans, les deux hommes s'écharpaient par médias interposés. Et que Laporte n'était pas vraiment "en odeur de sainteté à Toulon", comme le rappelle à l'AFP Manu Bielecki, le président de l'association de supporters les "Z'Acrau du RCT".
"Disons qu'on se posait des questions. Il y avait l'affaire du transfert de Mathieu Bastareaud ", qui réclamait son départ pour Toulon alors qu'il était engagé au Stade Français, où Laporte voulait le retenir. "On connaissait l'entraîneur mais, entre-temps, il avait été ministre (secrétaire d'Etat aux Sports entre 2007 et 2009, NDLR) et il avait tenté de reprendre Bayonne, le Stade Français", poursuit Manu Bielecki.
"Mais force est de reconnaître qu'il a défendu Toulon comme s'il y était né et ses joueurs comme ses enfants", souligne encore le président des Z'Acrau, en saluant la capacité de Laporte à "tirer le meilleur" des joueurs.
- "Il est bonnard" -
De fait, le natif de Rodez (Aveyron) a toujours fait part de sa fascination pour le Rugby club toulonnais, qu'il avait notamment affronté dans un huitième de finale de championnat aussi épique que brutal sous les couleurs de Bègles-Bordeaux, en 1991. Il confie aussi s'être rendu dans les tribunes du Parc des Princes lors de la finale 1987 entre le Racing club de France et le RCT, "déguisé en Rouge et Noir, celui de Gaillac et de Toulon."
"Ici, on est exubérants, passionnés. La gouaille de Laporte fait qu'il pourrait être d'ici. A Toulon, on a besoin de quelqu'un qui brame", glisse en souriant Bielecki, avec, dans un coin de la tête, les mémorables colères du manager.
Sans surprise, l'entraîneur, très proche du maire Hubert Falco, a rapidement été adopté sur la Rade où sa proximité avec le public a séduit.
"Bernard, il est bonnard", témoigne Bielecki." Je me souviens qu'il est venu amener le Bouclier de Brennus ou la Coupe d'Europe à nos soirées dansantes. On sait qu'il est débordé mais il est capable de débarquer dans un village où l'attendent 400 supporters et il prend le temps de faire la bise, de prendre des photos."
Cette chaleur est d'ailleurs l'une de ses grandes forces en vue de sa prochaine bataille, la présidence de la Fédération française de rugby, qui l'a occupé à mi-temps cette saison, d'une réunion publique à l'autre.
Ce n'est aussi pas un hasard si les premiers soutiens de Laporte se trouvent dans le Sud-Est, où cet homme de réseaux par excellence a eu le temps d'imposer ses idées. Avec toute sa force de conviction.