Happy Birthday : |
Le président de Toulon Mourad Boudjellal et celui du Racing 92 Jacky Lorenzetti ont mis sur pied depuis plusieurs années un numéro de duettistes assez rodé, entre apostrophes acerbes et déclarations d'amour, au grand plaisir du cirque médiatique.
C'est presque aussi simple que de glisser une pièce dans un juke-box: avant chaque retrouvailles, comme dimanche en quarts de finale de Coupe d'Europe, Mourad Boudjellal et Jacky Lorenzetti s'envoient un bouquet de piques, mi-amusés, mi-sérieux.
"Je l'aime et je pense que c'est vraiment réciproque! Alors oui, on s'invective, mais c'est parce qu'on a deux forts caractères et parce qu'on est des coqs", décrypte le patron du RCT dans un entretien à La Provence cette semaine.
"Et je crois même que si j'en branchais un autre, il pourrait être jaloux", poursuit Boudjellal, un as du divertissement qui a réussi dans les bandes dessinées avant de régulièrement régaler journaux, radios et télés par sa faconde inimitable.
Le tour de force de Mourad Boudjellal est peut-être d'avoir embarqué dans sa filière outrancière Jacky Lorenzetti, fondateur du réseau immobilier Foncia et propriétaire de plusieurs vignobles, ce qui le classe 122e fortune française avec 525 M EUR en 2015 selon l'hebdomadaire Challenges.
Celui qui possède des immeubles entiers dans les quartiers les plus chics de la capitale ne s'est-il pas retrouvé il y a deux ans à feindre, devant les caméras de télévision, un baiser sur la bouche de son meilleur ennemi ?
Il faut dire que les deux présidents se connaissent depuis 2006, date à laquelle ils ont chacun repris Racing et Toulon, alors en Pro D2. Et ils ont grandi ensemble dans un milieu ovale guère habitué à de telles personnalités.
Depuis, ils ne se quittent plus, entretenant judicieusement l'animation autour de leurs équipes, avec la complicité gourmande des médias.
Et le ton, à l'inverse du niveau, monte forcément avec l'enjeu des rencontres. La demi-finale de Top 14 remportée par Toulon (16-6) en mai 2014 avait été précédée d'un bel arrosage médiatique, Boudjellal attaquant "les trois jets privés" de Lorenzetti quand ce dernier opposait aux "strass" toulonnais le côté "laborieux et travailleur" de ses hommes.
- "Esprit mégalomaniaque" -
Chacun avait aussi défendu vent debout son modèle en raillant celui de l'adversaire.
A Boudjellal de tirer en premier: "Il peut nous dire qu'on fait du cinéma mais c'est le seul président qui emploie des figurants à l'année dans son stade". Et Lorenzetti de répliquer: "Il ne faut pas oublier qu'il a plus de six millions d'euros qui sont donnés par les pouvoirs publics, donc il peut tous vous remercier."
Et même quand ils ne jouent pas l'un contre l'autre, ils ne peuvent s'en empêcher... En mai dernier, avant que le Racing 92 n'affronte le Stade Français en barrages de Top 14, Lorenzetti avait gratuitement aiguillonné son homologue varois, taxé de "génie à l'insu de son plein gré" au sujet de sa politique de recrutement.
Cette saison, les deux ont lancé leur match de loin, à la faveur d'une répétition générale à Lille en Top 14 le 26 mars, remportée par Toulon (21-20).
Mourad Boudjellal avait cru lire ses initiales (MB) inscrites sur le ballon, filmé en gros plan au moment d'un essai du Racing transformé par Dan Carter . Le club francilien a voulu se moquer de lui, avait tempêté le Varois, jugeant l'initiative "minable" et détournant au passage dans des termes assez crus un soi-disant "proverbe africain".
Les lettres "MB" signifaient en l'occurrence "match ball" (ballon de match), avait rétorqué le Racing 92, brocardant dans un communiqué "l'esprit mégalomaniaque" de Boudjellal. De quoi aviver artificiellement la flamme, en espérant meilleur spectacle dimanche.