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Le nouveau modèle des Coupes d'Europe de rugby, accusé de favoriser les grands clubs français et anglais, suscite des réserves car les matches sont moins exposés médiatiquement et donc moins regardés, même s'ils sont paradoxalement plus lucratifs.
Deux ans après le dénouement de l'interminable et rocambolesque bras de fer qui avait abouti à la création de l'EPCR, le nouvel organisateur des Coupes d'Europe de rugby, quel bilan tirer, à quelques jours des finales 2016 à Lyon, vendredi et samedi? La société commerciale basée à Neuchâtel, en Suisse, fait-elle mieux que la défunte ERC de Dublin?
"Ça a été un accouchement difficile, pas toujours très bien perçu par l'extérieur", convient auprès de l'AFP Vincent Gaillard, directeur général de l'EPCR depuis mai 2015. "Mais ce qui ressort de tout ça est positif à tous points de vue, sportif, commercial, de gouvernance", veut-il se persuader.
Le format resserré (de 24 à 20 équipes pour la grande Coupe d'Europe) devait justement attiser l'attractivité de la compétition en délivrant d'alléchantes affiches tous les week-ends. Et une politique commerciale plus agressive, dans le sillage de la prise du pouvoir opérationnel par les clubs, devait permettre aux tiroirs-caisses de chauffer.
- 70 millions à partager -
"Il y a beaucoup plus d'argent à distribuer qu'avant", confirme le président de l'EPCR Simon Halliday, qui s'appuie sur de juteux contrats TV renégociés à la création de la société.
"On est cette saison en augmentation de 10% des revenus par rapport à l'an passé", précise Vincent Gaillard, soit un total "proche de 70 millions d'euros". Sur son dernier exercice (2013-2014), l'ERC avait distribué 45 millions d'euros entre ses actionnaires.
La Ligue celtique, c'est-à-dire les clubs irlandais, écossais, gallois et italiens, se partagent au minimum "20 millions d'euros", selon M. Gaillard, "plus que ce qu'ils n'ont jamais touché par le passé" (12 millions d'euros en 2014 sous l'ERC, NDLR).
Selon le principe de redistribution, les championnats d'Angleterre et de France recevront chacun un chèque de 20 millions d'euros, amélioré grâce aux performances de leurs clubs.
En effet, "cette année il n'y aura rien pour les clubs de Ligue celtique sur les deux millions d'euros alloués à la méritocratie, tout simplement parce qu'ils n'étaient pas en demi-finales", résume M. Gaillard.
Même si l'on reste loin de l'ambition des 100 millions d'euros de revenus formulée au moment de la naissance de l'EPCR, la promesse économique est dans l'ensemble tenue. Mais l'impératif de rentabilité condamne-t-il au rôle de faire-valoir les clubs de Ligue celtique, moins armés financièrement que leurs concurrents anglais et français ?
Cela marquerait un vrai virage culturel dans une compétition animée ces dernières années par les triomphes des Irlandais du Munster et du Leinster.
"Ces provinces ont tout juste assez d'argent pour garder leurs joueurs au pays. Et elles n'ont presque plus rien pour attirer des grands joueurs de l'hémisphère sud", souligne, alarmiste, un haut dirigeant du rugby européen.
De fait, aucun club de la Ligue celtique ne s'est hissé en phase finale cette année, une grande première.
- Affluences en baisse -
"La saison a été difficile pour tout le monde car il fallait de la profondeur d'effectif avec la Coupe du Monde", nuance Simon Halliday, en évoquant une situation conjoncturelle. "L'année prochaine, je pense que cela sera différent."
Ces absences se sont ressenties sur la billetterie, les provinces irlandaises drainant historiquement beaucoup de spectateurs. En misant sur un épilogue à Lyon à guichets fermés (59.000 spectateurs), quelque 166.000 spectateurs auront garni les stades des sept rencontres de la phase finale. Soit le total le plus bas depuis 2001 (124.201).
En France, cette compétition est aussi moins regardée à la télévision, conséquence de l'attribution à BeIn Sports de l'intégralité des matches, au détriment de Canal+ et du fait que France Télévisions ne diffuse plus qu'une seule rencontre par week-end, contre deux auparavant.
En Angleterre, le choix de Sky et BT, deux opérateurs payants, n'est "pas optimal" non plus, convient Vincent Gaillard.
En déficit d'exposition, l'EPCR peine logiquement à trouver des partenaires. Sur les cinq recherchés à la création de la société, seuls deux ont signé: Heineken et Turkish Airlines. Un bilan décevant.
"Mais il n'y a aucune raison de remettre en cause le modèle établi de cinq partenaires, qui est à notre sens le bon", tranche M. Gaillard, en demandant du temps. "Le chemin est encore assez long avant de stabiliser tout ça."