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D'une danse du ventre aux scènes de ménage, Guy Novès et le XV de France entretiennent une relation complexe, nourrie de la fracture entre les intérêts de son club de Toulouse et l'équipe nationale, mais aussi du crédit dont bénéficie le technicien.
Verra-t-on un jour la silhouette sèche comme une trique de Novès (61 ans) s'accroupir au chevet du XV de France? Sans doute n'en a-t-on jamais été aussi près alors que sept "sages" de la Fédération (FFR) épluchent les dossiers des candidats à la succession de Philippe Saint-André, parmi lesquels celui du manager toulousain.
Cette nomination viendrait écrire un nouveau chapitre dans une histoire de coups de gueule et bouderies qui ont animé le rugby français.
Quel journaliste n'a pas tendu son micro à Novès à la veille ou au lendemain d'un rassemblement de l'équipe nationale, à la recherche d'une tirade contre ce système "qui pollue le Championnat", "tue le rugby des clubs et à moyen terme le rugby" et lui rend des joueurs "pressés comme des citrons"?
"Quand je dis que le XV de France flingue le Top 14, ça ne veut pas dire que Guy Novès n'est pas derrière l'équipe de France", rectifiait-il toutefois en février 2010. Disons que cela dépend.
La principale cible du "Gitan" (son surnom), c'est effectivement l'organisation du rugby hexagonal, son calendrier aux cadences "infernales, débiles" et ces doublons qu'il dénonce sans relâche, jusqu'à la caricature. Vent debout pour défendre le modèle du Stade Toulousain qui s'appuie sur de nombreux internationaux français.
- Le loup dans la bergerie -
En filigrane, il vise sans vraiment les nommer la Fédération ou la Ligue, qui n'ont jamais réglé ce malaise frappant autant les clubs que le sélectionneur national. Espère-t-il changer la donne de l'intérieur en postulant? Beaucoup y ont perdu leur appétit à force d'avaler des couleuvres.
Mais cela n'a pas empêché non plus Novès, ancien ailier teigneux et rapide aux 7 sélections, de distiller piques et venin sur le jeu des Bleus. Encore l'année dernière s'étonnait-il du "trop peu d'intentions de jeu" des Français qui "depuis trois ans ne (nous) régalent pas".
Opportunément (?) a-t-il édulcoré ses propos lors du dernier Tournoi en demandant aux médias à ce que cesse "le harcèlement" des critiques.
De quoi se demander quel est l'intérêt pour la FFR de faire entrer dans sa bergerie l'un de ses plus tenaces contempteurs.
Ses dirigeants ont-ils oublié le dédaigneux refus essuyé en 2011 quand ils avaient fait de Novès leur choix N.1 de l'après-Lièvremont? Il faut dire qu'un an auparavant, l'intéressé avait prévenu.
"L'équipe de France n'a pas besoin de moi", avait-il déclaré. "Je suis dans un contexte très favorable, dans lequel je me réalise. On considère qu'il vaut mieux ne pas me mettre manager dans ce genre de contexte car j'ai sûrement un caractère qui ne plairait pas à tout le monde."
- Une collaboration en 2000 -
Sans doute ce fameux "contexte" a-t-il évolué (moins favorable ?) pour l'entraîneur qui bénéficie d'un argument de poids, le principal pour la Fédération: son palmarès inégalé. Dix titres de champion de France, quatre Coupes d'Europe et près de 800 matches dirigés en 23 saisons au sein d'un même club à qui il a fait passer avec succès le cap du professionnalisme.
Son savoir-faire lui a même valu une expérience avec le XV de France, puisqu'il avait accepté en 2000 d'être consultant bénévole auprès du sélectionneur Bernard Laporte . Novès avait par exemple animé des séances axées sur la défense avant de "prendre du recul" quelques mois plus tard en découvrant l'incompatibilité des intérêts.
"Je ne me retire pas de cette collaboration de gaieté de coeur", avait-il dit à l'époque. "Simplement je suis entraîneur de club et avant tout j'ai comme devoir de protéger ce dernier."
Son principal défi est de convaincre de sa capacité à naviguer avec aisance dans les arcanes fédérales et à défendre désormais avec la même ardeur le XV de France... quitte à vitupérer son club de coeur. Novès a prouvé qu'il avait le cuir épais, mais peut-il encore muer?