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Choisi pour redresser un XV de la Rose moribond, le nouveau sélectionneur de l'Angleterre Eddie Jones s'est taillé au fil de son parcours sinueux une réputation de technicien à la fois charmeur et dur.
Jones, qui découvrira le Tournoi samedi, aurait presque des airs de l'inquiétant Diable de Tasmanie, espèce de marsupial de cette île au sud de l'Australie où il est né il y a 56 ans: doux en apparence mais féroce lorsqu'il s'agit de grogner.
"Quand vous le voyez la première fois, vous vous demandez comment ce type pouvait jouer première ligne car il est minuscule", racontait récemment Ben Darwin, ex-pilier des Wallabies dont Jones a été le sélectionneur de 2001 à 2005.
"Après vous comprenez: c'est un acharné. Ce n'est jamais lui qui casse en premier. Ce qui fait le plus peur chez lui, ce n'est pas qu'il crie plus que n'importe qui, mais il voit tout de suite en vous vos craintes les plus profondes", ajoutait-il.
C'est ce qui a convaincu la Fédération anglaise d'en faire le premier sélectionneur étranger de l'histoire du XV de la Rose, qui avait bien besoin d'un homme à poigne après le fiasco de "sa" Coupe du Monde.
Ces méthodes, cet ancien talonneur jamais international, professeur puis directeur d'école après sa retraite sportive, les a appliquées avec succès avec les Brumbies (Super 12 en 2001) puis l'Australie (défaite en finale de la Coupe du Monde 2003 contre... l'Angleterre).
Et surtout à la tête du Japon lors de la dernière Coupe du Monde, qu'il a mené à une historique victoire face aux Springboks en poules (34-32).
- 'Vous le maudissez' -
La renaissance après plusieurs traversées du désert, suite à son éviction des Wallabies en 2005 ou après titre mondial comme consultant des Springboks en 2007.
Ce qui l'a sans doute aidé à s'endurcir, comme les moqueries racistes dont il a été victime alors joueur en Australie, lui qui est né d'une mère Japonaise.
C'est justement dans le pays de naissance de sa mère qu'il a rebondi en 2012. Il y a notamment appris la langue que sa mère ne lui a pas transmise plus jeune par souci d'intégration, et épousé une Japonaise.
Il y a surtout donc mis en pratique sa recette magique, celle d'un meneur d'hommes qui a convaincu la prestigieuse banque d'affaires Goldman Sachs de le recruter comme conseiller après la Coupe du Monde.
"Quand il vous entraîne, vous le maudissez 90% du temps. Mais je n'aurais jamais joué pour l'Australie, si ce n'était pas pour lui. Il a un talent légendaire pour faire passer l'objectif collectif avant le reste. Quand il a quitté le Japon, ils m'ont dit à la fédération qu'ils étaient tous très soulagés", racontait Darwin.
- Bourreau de travail -
Bourreau de travail et perfectionniste, Jones avait ainsi "convaincu tout le monde au Japon que les horaires 6h00-22h00 étaient normaux", poursuivait Darwin.
"Il ne se livre pas sur sa vie personnelle mais elle ne doit pas vraiment exister vu le temps qu'il passe à travailler", ajoutait-il.
C'est donc désormais à cette Angleterre qui l'avait snobé en 2011 (candidature non retenue pour le poste de sélectionneur) et où il a connu "la pire période rugbystique" de sa vie (aux Saracens de 2007 à 2009) d'apprendre à connaître le personnage.
Il n'a pas mis longtemps à imprimer sa marque: vif d'esprit, amateur de bons mots, n'hésitant pas à renvoyer par un trait d'humour et le sourire en coin son interlocuteur dans ses 22 mètres, il a ainsi depuis sa prise de fonction appelé l'Angleterre à retrouver son "arrogance" passée.
"Pour Eddie nous avons été trop gentils dans le passé", souligne le N.8 anglais Billy Vunipola, sous le charme de son nouveau sélectionneur mais bien conscient de n'avoir vu, jusqu'à présent, que le "bon flic" sommeillant en Jones.
"Il est comme un professeur que vous adorez", ajoute-t-il. "Vous ne voulez jamais le mettre en colère."