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Le demi de mêlée Morgan Parra s'interroge auprès de l'AFP: est-il un leader "légitime" du XV de France, alors qu'il n'est plus depuis trois ans un titulaire indiscutable en Bleu, qu'il n'a pas "la confiance absolue" et qu'il n'a encore que 26 ans ?
Q: Vous n'avez "que" 26 ans, mais déjà 59 sélections et une finale de Coupe du Monde en 2011 au compteur. Comment vous situez-vous dans le groupe France ?
R: "Entre les deux. Il y a le groupe des tauliers, avec Titi (Dusautoir), Nico (Mas), Dimitri (Szarzewski), Pascal (Papé)... Et ceux qui sont arrivés plus récemment. Moi, je suis à la jonction. Avec les plus jeunes, je fais comme en club, je partage, je communique. Après, personne n'a la vérité, je n'ai pas à donner de leçons car je n'ai pas vécu 200.000 choses non plus."
Q: Cette retenue est-elle due au fait que vous n'êtes pas installé à votre poste ?
R: "Oui, je pense. La vérité est que j'ai eu de bonnes performances, des moins bonnes, des années compliquées et d'autres moins avec Clermont, et des blessures. Pareil en équipe de France. Est-ce que je suis légitime ? Est-ce que c'est à moi de parler, alors que je n'ai pas une confiance absolue et que je ne joue pas tout le temps ?"
Q: Vous dites-vous, parfois, que vu votre âge, vous pourriez disputer potentiellement quatre Coupes du monde, avoir 120 sélections ?
R: "Non, pas du tout. Sans langue de bois, j'essaye déjà de me projeter sur celle-là, et si j'ai la chance de la faire, de la faire à fond. Plus les années passent, plus le rugby devient un sport dur et plus je me demande si ma génération pourra faire des carrières aussi longues que celles de nos aînés. Moi, je m'en fous de savoir si je ferai un beau vieux. Mais je me demande si je serai capable d'encaisser les saisons longues, ce niveau d'exigence... Est-ce que le corps sera capable de subir cela longtemps, est-ce que ça va continuer d'être de plus en plus dur ?"
Q: Votre gabarit (1,80 m, 81 kg) aura-t-il encore sa place dans 10 ans ?
R: "Pour l'instant, il l'a. Dans 10 ans je ne sais pas (rires). Si je ne peux plus, je ne peux plus. Aujourd'hui, j'essaye de faire de la muscu, de prendre un peu de poids, de faire du renforcement mais je n'aurai jamais un gabarit à faire 100 +plombes+."
Q: Vous disiez que vous auriez aimé jouer avec Jacques Fouroux (ancien demi de mêlée et sélectionneur du XV de France)...
R: "J'ai vu des rediffusions de ses matches, c'était un N.9 avec un petit gabarit... Et puis de ce qu'on m'en a dit, c'était un fort tempérament, capable de dire ses vérités à la presse, aux entraîneurs aussi. Après, aurait-il encore sa place dans le rugby professionnel actuel, je ne pense pas, mais il avait des c.... (sourire)"
Q: Des caractères comme le sien existent-ils encore dans le rugby ?
R: "J'espère. Le rugby ça reste une histoire d'hommes, de personnalités. Peut-être un peu moins qu'avant avec le professionnalisme, les sponsors, l'image du club, du joueur..."
Q: Vous allez toujours voir des matches de rugby amateur le dimanche ?
R: "Toujours."
Q: Vous êtes un obsédé de ce sport ?
R: "De la relation humaine plutôt. C'est le paradoxe. J'aime le rugby, j'ai mes idées, j'aime ce jeu. Mais c'est d'abord le partage, la relation avec ces mecs que j'aime, plus que de parler stratégie. J'ai un vrai besoin de ça."
Q: En deux mois de préparation, il est aussi beaucoup question de relation humaine...
R: "Bien sûr. Après, tu ne peux pas aimer tout le monde et tu ne peux pas te faire aimer de tout le monde. Ca n'empêche que quand tu es dans une vie de groupe, tu apprends à connaître des gens encore mieux que ce que tu pensais, tu te découvres des affinités et tu fais des sacrifices. Par exemple, je suis arrivé en me disant que je râlerai moins et je m'y tiens. Et ça reste dix fois moins que Brice Dulin (rires)."
Propos recueillis par Jérémy MAROT