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La générosité de Serge Kampf, qu'elle s'exprime en temps, en énergie comme en argent, a permis à ce grand patron discret, décédé mardi, de tisser des amitiés indéfectibles dans le monde du rugby pour en devenir une des figures les plus influentes.
"Quand on rembobine, on se dit: qu'est ce qu'il nous a gâtés ! En tout, en partage, en amitié. C'était quelqu'un d'extraordinaire", témoigne auprès de l'AFP Denis Charvet , ancien centre du XV de France.
En s'éteignant à l'âge de 81 ans, Serge Kampf laisse comme orphelin plusieurs générations d'acteurs de l'Ovalie.
"Il m'a encore appelé il y a quelques jours car il s'inquiétait pour moi. C'était Serge: il était au bout de sa vie et il était encore soucieux des autres", poursuit Charvet, "anéanti".
Charvet a vu Serge Kampf, fondateur de la Sogeti qui deviendra le groupe de services informatiques Capgemini, débarquer en 1987 dans le cercle fermé du rugby, un soir de juin à Sydney.
Les Bleus vont alors fêter leur qualification pour la finale de la première Coupe du Monde dans un grand restaurant et Kampf est invité à la table des joueurs par le président de la Fédération française Albert Ferrasse. Et lorsque ce dernier demande l'addition, le maître d'hôtel lui répond qu'elle a déjà été réglée, discrètement.
- La confrérie des montres -
"Il y avait beaucoup de pudeur chez lui et en même temps, il était capable de faire beaucoup pour des causes. Il a un rapport complètement désintéressé à l'argent", explique Thomas Lombard, lui aussi ancien centre des Bleus et membre comme Serge Kampf du comité directeur des Barbarians, un club sur invitation.
Preuve en est, huit jours après avoir régalé les Bleus à Sydney, il les retrouve à Auckland, au soir de la finale perdue face aux All Blacks. Assis à côté de Serge Blanco , il lui offre sa montre de luxe pour remplacer celle, cassée, de l'arrière vedette.
Le Biarrot refuse. Mais de retour à Paris, M. Kampf envoie le modèle aux 15 acteurs titulaires de la finale.
"Quelques semaines plus tard lors d'un match du Tournoi des cinq nations, je le croise dans l'ascenseur du Parc des Princes", se souvient Charvet. "Et je lui dis: M. Kampf, on est arrivé jusqu'en finale à bien plus que 15, pourtant tout le monde n'a pas eu de montres. Ca a jeté un froid terrible..."
"Cinq jours après, je reçois une lettre formidable que j'ai encore, dans laquelle Serge s'excusait et me disait que la commande supplémentaire était déjà partie", raconte-t-il encore.
Depuis cette anecdote, l'influence de Serge Kampf n'a cessé de grandir au point de devenir une figure tutélaire.
"Peu de décisions étaient prises sans qu'il soit sollicité, pourtant il ne demandait rien mais s'imposait comme une évidence", explique Thomas Lombard.
La question de son intérêt alimente les fantasmes et on lui prête aussi influence occulte, quasi mystique. "Dès lors qu'on touche à l'affect, l'humain, ça dépasse le rationnel", avance Lombard.
- Amitiés ovales -
Il noue de grandes amitiés autour du ballon ovale, rassemblant d'autres grands patrons (Claude Bébéar, Jean-René Fourtou, Henri Lachmann) au restaurant étoilé de Guy Savoy avant les rencontres des Bleus.
Dans le même temps, il vient au secours de clubs en difficulté. Le Biarritz de Serge Blanco , dont il est actionnaire jusqu'en 2013, qu'il renfloue épisodiquement jusqu'à consentir un abandon de créances de 1,4 million d'euros. Mais aussi le FC Grenoble, son premier amour, Bourgoin, Lourdes, Toulon...
"Il avait une telle aura. Tout le monde s'arrêtait pour le saluer et le plus spectaculaire, c'est qu'il connaissait le prénom de tous les joueurs", assure Lombard.
M. Kampf aide aussi certains joueurs à se reconvertir, de Blanco à l'ancien demi de mêlée Fabien Galthié, en passant par le troisième ligne Eric Champ .
L'an passé, il avait fêté ses 80 ans en grandes pompes, invitant à ses frais à Rio près de 400 personnes. "Il aimait voir ses amis réussir et surtout être heureux. Son plaisir était là", résume Denis Charvet .