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© AFP/Rémy Gabalda
Temps de jeu, effectif en hausse, explosion des gabarits des joueurs, réduction des espaces, le rugby a profondément évolué depuis l'arrivée du professionnalisme
Temps de jeu effectif en hausse, explosion des gabarits de joueurs de plus en plus polyvalents, réduction des espaces: le rugby, longtemps réputé conservateur, a profondément évolué depuis l'arrivée du professionnalisme il y a 20 ans.
+ Un spectacle...
L'amateur qui aurait vécu en ermite ces deux dernières décennies aurait bien du mal à reconnaître aujourd'hui son rugby, devenu un spectacle mondialisé. Pour rendre le jeu plus attractif, les règles ont évolué, réduisant le nombre de touches et de mêlées. Résultat: un temps de jeu effectif doublé, autour des 40 minutes.
Exemple de modification des règles: l'autorisation du "lifting" en touche, soit la possibilité pour le sauteur d'être porté par un coéquipier. "Avant, deux touches sur trois étaient arrêtées (par l'arbitre) ou injouables. Aujourd'hui ce secteur est devenu une vraie rampe de lancement", souligne auprès de l'AFP Pierre Berbizier , ancien international et sélectionneur français.
+ Des joueurs de plus en plus physiques...
Ce spectacle est joué par des acteurs devenus professionnels. L'entraînement est quotidien et la musculation a pris une place prépondérante, faisant exploser le gabarit moyen de joueurs plus robustes et se déplaçant plus vite, plus longtemps. En 20 ans, un trois-quarts de l'équipe de France a pris en moyenne 13 kg de muscles.
Philippe Saint-André, manager du XV de France, se souvient de son dernier match en tant que capitaine des Bleus, une débâcle (10-52) à l'automne 1997 contre des Sud-Africains professionnels depuis deux ans alors que les Français étaient encore semi-amateurs. "Je me retrouve à l'aile avec, comme vis-à-vis, James Small que j'avais déjà joué en 1995. A la fin du match, on échange notre maillot, comme deux ans auparavant, et il faisait du XXL alors que moi je portais toujours du L!"
Le rugby évolue inexorablement vers le "tout physique", sur le modèle des nations de l'hémisphère Sud. Et des gabarits à la Lomu deviennent presque banals. Le spectre du dopage est brandi par certains suiveurs ou anciens joueurs, comme Laurent Benezech, pilier du XV de France 1995. "La prédominance du physique amène quelquefois les joueurs à jouer comme des cons. Il faut suivre l'évolution et rentrer dans un jeu qui plaît au public, aux médias", regrette Pierre Villepreux , lui aussi ancien international et cosélectionneur français lors la correction infligée par les Springboks.
+... et polyvalents
Cette prépondérance du physique a, d'après Berbizier, "donné encore plus de place à la polyvalence". Fini un Jean-Pierre Garuet qui trottinait d'une mêlée à l'autre. "Désormais, on demande à un première ligne de courir comme un troisième ligne, et à un trois-quarts de défendre comme un troisième ligne", développe l'ancien demi-de-mêlée.
Une évolution particulièrement visible dans le cinq de devant, dont les deuxièmes ligne, qui ne se contentent plus de sauter en touche et batailler dans les regroupements, mais sont aussi amenés à toucher beaucoup de ballons. Le prototype moderne est le All Black Brodie Retallick , qui "pourrait jouer centre" selon Berbizier.
"A part sur les phases de conquête, où il y a encore des tâches spécifiques, tu dois être dans la pluralité. Tu es le mec le plus près de celui qui est plaqué, tu es là pour déblayer. Tu arrives en 3e ou en 4e sur un ruck, tu dois remplacer le demi de mêlée. Automatiquement, le bagage technique du joueur a évolué", souligne Saint-André.
+ Parole à la défense
Cette polyvalence a aussi entraîné une réduction des espaces, puisque tous les joueurs se déplacent et se replacent en défense pendant 80 minutes ou presque. Autre conséquence du professionnalisme, l'utilisation systématique de la vidéo, qui fait que "tout le monde se connaît, tout est disséqué", souligne Berbizier.
Avec comme résultat la multiplication des temps de jeu et la prise du milieu de terrain pour déstabiliser à l'usure des défenses resserrées. Et comme conséquence une baisse du nombre d'essais sur les premiers temps de jeu. Plus spectaculaire, le rugby est aussi devenu plus stéréotypé.