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© AFP/LAKRUWAN WANNIARACHCHI
Manifestation contre la famille Rajapakse le 10 août 2015 à Colombo (Sri Lanka)
Népotisme, corruption, et même un parfum de meurtre: le rugby sri-lankais, pour lequel l'ancien homme fort de l'île Mahinda Rajapakse nourrissait des rêves de grandeur, a accompagné son patron dans sa chute.
Il y a deux ans encore, il était de bon ton de se presser dans les tribunes du stade Racecourse de Colombo, bien en vue de la Première Famille, pour y applaudir les exploits sur le terrain des fils du président.
Terre de cricket, le Sri Lanka constitue un improbable avant-poste de l'ovalie en Asie du Sud. Mahinda Rajapakse l'a érigé en cause nationale pendant sa décennie au pouvoir de 2005 à 2015.
A la tête de l'île jusqu'à l'élection présidentielle perdue de janvier 2015, l'homme a mis un terme à la rébellion de la minorité tamoule au prix d'un gigantesque bain de sang et d'accusations de crimes de guerre.
Sous sa férule, son clan avait main-mise sur des pans entiers de l'économie sri-lankaise. Et en sport comme en affaires, le rugby, pour les Rajapakse, était avant tout une histoire de famille.
Les deux fils les plus âgés de l'ex-président, Namal et Yoshitha, ont été à tour de rôle capitaine du XV national. Le troisième, Rohitha, n'était pas non plus en reste, porteur lui du brassard de l'équipe de la marine militaire.
Dès que l'un des fils Rajapakse se produisait sur le terrain de l'hippodrome colonial de Colombo, des camions entiers acheminaient des spectateurs pour remplir les tribunes du stade. Les loges VIP étaient pleines à craquer.
Quant à la fédération nationale, elle était chargée d'assurer la qualification du XV sri-lankais à la Coupe du Monde 2019 au Japon, la première organisée en Asie.
"Tout ce battage autour d'une qualification du Sri Lanka à la Coupe du Monde était vraiment excessif", estime maintenant Dhaminda Wijesuriya, rédacteur en chef sports du journal Lankadeepa.
"Nous n'avons pas de quoi avoir une bonne équipe de rugby. Et ce sport n'est pas aussi populaire que le cricket", analyse-t-il.
- Cadavre dans une voiture -
L'obsession d'une qualification au Mondial et l'onéreuse embauche de quelques joueurs étrangers ne suffisent pas à enraciner un sport dans un nouveau pays, pointent du doigt les détracteurs.
"Nous avons eu trois ou quatre joueurs internationaux venus jouer ici mais ça ne constitue pas une politique de développement" du rugby au Sri Lanka, fustige Dilroy Fernando, promoteur de longue date de la discipline et arbitre.
Il aurait fallu pour cela "transporter le sport dans les zones rurales et y chercher des nouveaux talents, ce qui a été complètement négligé", explique-t-il.
© AFP/Ishara S.KODIKARA
L'ancien capitaine du XV sri lankais Yoshitha Rajapakse le 28 mai 2012 à Colombo (Sri Lanka)
Si la dernière rencontre internationale a vu le Sri Lanka battre la Malaisie 33 à 17, la cuisante défaite contre le Japon (132-10) il y a deux ans a clairement rappelé l'énorme marge de progression que le pays a encore devant lui.
Les tribunes remplies du Racecourse ne sont désormais plus qu'un lointain souvenir. Depuis que la famille Rajapakse a été évincée de la scène publique, seuls les passionnés assistent encore aux matches de rugby.
"Il y a eu une mode pendant les années Rajapakse, mais pas grand chose n'a été fait pour rendre (le rugby) populaire hors de Colombo", souligne le commentateur sportif Ranjan Paranavithana.
Le rugby est également empêtré dans des soupçons de détournements de fonds et même de meurtre.
Des proches de la famille Rajapakse sont accusés d'être impliqués dans la mort d'un des joueurs de l'équipe nationale, Wasim Thajudeen, dont le corps a été retrouvé dans une voiture calcinée en mai 2012.
Ce qui avait été présenté à l'époque comme un banal accident de la route serait en réalité un assassinat.
Selon un porte-parole du gouvernement actuel, trois gardes du corps de Rajapakse ont directement pris part à la mort de Thajudeen. Une récente autopsie a révélé que le joueur avait été tué avant que son corps ne soit mis dans la voiture.
Le responsable de la police de Colombo alors en poste a depuis été placé en détention, accusé d'avoir altéré des preuves.
Selon les médias locaux, Thajudeen s'était vanté d'avoir une liaison avec la compagne de Yoshitha Rajapakse. La famille dément toute implication dans cette mort.
Même si le clan Rajapakse a disparu du paysage, pour le président du rugby sri-lankais Asanga Seneverathna, leur engagement en faveur de ce sport a néanmoins permis de le faire davantage connaître dans l'île, où il lui promet un bel avenir.
"Les annonceurs sont venus, les choses ont bougé et continuent à bouger sous le gouvernement actuel", déclare à l'AFP M. Seneverathna.
"Le rugby a pris un bon départ et l'avenir s'annonce très positif", veut-il croire.