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Piolo Perez, 15 ans, frappe des balles rasantes sur un terrain de baseball construit sur la montagne de déchets la plus connue des Philippines, les envoyant jusque dans les bidonvilles alentours.
Smokey Mountain, gigantesque dépotoir à ciel ouvert de Manille, a son propre "terrain des rêves", nom inspiré d'un film éponyme avec Kevin Costner sur un paysan qui installe un terrain de baseball dans son champ de maïs.
Le but, offrir un avenir à de jeunes Philippins.
"S'il n'y avait pas le baseball, j'en serais toujours à ramasser les ordures" à la recherche de matériaux recyclables, comme sa soixantaine de coéquipiers, raconte à l'AFP le jeune receveur à l'entraînement du dimanche.
Aujourd'hui, grâce à un programme de promotion du baseball géré par une organisation caritative et des entrepreneurs du cru, il bénéficie d'une bourse pour poursuivre un cursus sport et études.
La pauvreté est endémique dans l'archipel. Un quart des Philippins vit avec 1,20 euro par jour. Mais les conditions de vie dans les bidonvilles de Smokey Mountain sont particulièrement pénibles.
Le site, situé en baie de Manille, la capitale de 12 millions d'habitants, doit son nom aux volutes de fumée âcre produites par les détritus en décomposition.
Il y a 20 ans, la décharge sauvage avait été partiellement rasée par les autorités qui ont construit des logements pour 15.000 "éboueurs-chiffonniers".
- Echapper aux gangs -
Le site a été déclaré officiellement "fermé" mais une large partie des déchets sont restés et les gens ont continué d'y déposer leurs ordures. De nouveaux bidonvilles ont fleuri et Smokey Mountain recouvre aujourd'hui une vingtaine d'hectares.
Le terrain de baseball cabossé fait trois fois la taille d'un terrain de basket et les bidonvilles l'enserrent un peu plus chaque jour.
Quand une balle échappe du terrain, sa course termine quasiment toujours dans un égout à ciel ouvert qui déverse ses eaux puantes dans la baie de Manille. Quand ce n'est pas dans une cahute délabrée.
Beaucoup gagnent toujours leur vie en triant des ordures malgré les efforts des pouvoirs publics et des associations pour les détourner de cette activité.
Le baseball est une porte de sortie plutôt efficace pour les jeunes de sept à 18 ans, juge Marvin Navarro, de Junior Chamber International, un important sponsor. "C'est aussi une façon de les détourner des aspects négatifs de cette communauté, comme la drogue, les gangs, le vol", explique-t-il à l'AFP.
Dans cette ex-colonie américaine jusqu'en 1946, le baseball a des racines profondes même si le basket y est plus populaire.
L'aide a commencé à arriver lorsque les associations ont constaté que les enfants des bidonvilles jouaient au baseball avec des battes improvisées, des gants confectionnés avec des sandales en plastique.
- "Jouer contre les riches" -
Des sponsors, parmi lesquels des entreprises américaines, ont payé pour la construction d'un vrai terrain, les équipements et les tenues. Ils financent aussi les déplacements lors des tournois.
Des superstars japonaises à la retraite viennent au moins une fois par an pour dispenser des séances spéciales d'entraînement, ajoute M. Navarro.
Piolo Perez, fils d'un chauffeur de tricycle, s'est mis au baseball dès ses huit ans. Aller à l'école était difficile: il devait trier des ordures pendant des heures pour récolter les 50 pesos (un peu moins d'un euro) que coûte une journée d'éducation.
Désormais grâce à sa bourse, il fréquente une école voisine.
L'entraineur Garry Riparip explique que le principal défi est de convaincre les parents de cesser de contraindre leurs enfants à collecter les ordures pour les laisser jouer et aller à l'école.
"On essaye de changer leur état d'esprit et leur faire voir que s'ils obtiennent des diplômes, ils auront bien plus d'opportunités", dit-il à l'AFP.
Il faut aussi rassurer les enfants confrontés à des adversaires mieux vêtus, dotés d'équipements dernier cri. "C'est intimidant parfois de jouer contre les équipes des écoles de riches. Dans notre équipe, on doit partager les gants", dit Rica Lacorte, 13 ans.
Malgré tout, les équipes de Smokey Mountain sont dans la Little league philippine, et de nombreux joueurs excellent, souligne M. Riparip.
Quinze garçons ont aussi obtenu des bourses sport et études dans trois universités prestigieuses de Manille.
Rica Lacorte, fille de chauffeur de taxi, veut les imiter. "Mes parents me soutiennent. Ils veulent que je rencontre des amis et que j'obtienne une bourse".