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Le rideau tombe sur la 36e Solitaire Afflelou Le Figaro et son podium de rêve : Jérémie Beyou, Michel Desjoyeaux
, Kito De Pavant
. L’obstiné Jérémie enfin prophète se propulse dans la lumière des grands. Gildas Morvan
, Pietro D’Ali, Laurent Pellecuer, vainqueurs d’étape et tous un temps leaders, ont eux aussi marqué cette édition ventée. Eole n’a pas quitté la flotte pour imprimer un rythme soutenu de la Manche au golfe de Gascogne en passant par la mer Celtique. Retour sur les quatre étapes et les 1462 milles parcourus.
Perros-Guirec - Getxo-Bilbao (390 milles) : Morvan, Beyou, Pellecuer, déjà...
Perros-Guirec fait la belle. Ils sont 46 au départ, et Michel Desjoyeaux
, de retour, est déjà très sollicité. Au jeu des pronostics, Yann Eliès (Groupe Generali Assurances), Jérémie Beyou (Delta Dore) ou encore Kito De Pavant
(Groupe Bel) sont régulièrement cités, mais on estime qu’une douzaine de navigateurs peuvent gagner dont, entre autres, Charles Caudrelier
(Bostik), Armel le Cléac’h (Foncia-TBS), Eric Drouglazet (Crédit Maritime) ou encore Erwan Tabarly
(Thales). La sublime Côte de granit rose s’illumine dès le prologue remporté par le Cercle Vert de Gildas Morvan
devant Laurent Pellecuer (Cliptol Sport) et Armel Tripon (Gedimat). Les choses sérieuses commencent le dimanche 7 août et le ton est donné : Michel Desjoyeaux
est bien un Géant. Il prend les devants avec Kito De Pavant
, alors que Samantha Davies
(Skandia) talonne violemment mais poursuit sa route. La Patrouille de France salue le départ de la flotte vers Getxo-Bilbao. Dans la nuit à Ouessant, Yann Elies vient se rappeler au bon souvenir de Desjoyeaux et de Pavant. Rapidement, la mer se forme et le vent d’est monté à 25 nœuds donne le départ d’un grand sprint avec de grosses vagues en travers. La mer tape dans les étraves, c’est déjà musclé. « C’est le reaching de la mort ! » s’amuse Thierry Chabagny (Lèbres-Bermudes) qui décroche le record Hublot sur 24 heures. C’est trop pour le dos souffrant de Jacques Einhorn (Connivence) qui abandonne. Tout au long de cette première traversée du golfe de Gascogne, les favoris sont aux avants postes et Kito de Pavant mène la danse. Mais à Getxo-Bilbao, le mardi 9 août au matin, c’est Gildas Morvan
qui se montre le plus malin en devançant Jérémie Beyou d’une minute et 47 secondes, alors que Laurent Pellecuer ne met que 17 secondes de plus à franchir la ligne pour se hisser à la troisième place. Les écarts sont insignifiants. « Vous savez que le départ de la Solitaire commence à la deuxième étape cette année ? » sourit Michel Desjoyeaux
. Pietro D’Ali (Nanni Diesel), lui, est déjà premier bizuth.
Getxo-Bilbao – La Rochelle (368 milles) : Pietro D’Ali, la révélation italienne
Aux falaises d’Euskadi, un léger souffle autorise un départ où Erwan Tabarly
montre toute sa classe. Il s’attaque le premier à la remontée vers La Rochelle via le phare des Birvideaux, au nord de Belle-île. Il y a une dorsale anticyclonique à négocier et l’idée est de faire deux longs bords de près, avec l’inconnue cruciale du moment du virement de bord. Pietro D’Ali, le skipper italien de Nanni Diesel venu de la voile olympique, de la Coupe de l’America et de la Volvo Ocean Race étonne son monde : bizuth sur l’épreuve, ce gentleman de 42 ans impressionne par sa vitesse. « Qui c’est celui là ? Il va comme un avion de chasse ! » s’exclame Michel Desjoyeaux
. A 120 milles des Birvideaux, D’Ali pousse sa barre en grand le premier, alors que Frédéric Duthil (Brossard) fait une superbe démonstration de négociation de dorsale. Le bras de fer entre les deux hommes est extraordinaire. Dans les eaux des pertuis charentais, c’est du délire sur les coups de minuit : moins de deux longueurs entre les deux bateaux, du match-racing de haute volée à la fois pour le général et la victoire d’étape ! Sous la lune rousse, Fred Duthil envoie un ultime virement de bord dans le tableau arrière de Nanni Diesel mais Pietro D’Ali résiste et coupe la ligne, à bout de forces, avec 50 secondes d’avance… Peut-être la plus belle arrivée de cette Solitaire, entre deux régatiers de haut vol. Pietro D’Ali, un bizuth italien aux commandes, c’est du jamais vu… Armel le Cléac’h s’adjuge la troisième place de l’étape, Yann Elies est un des perdants du jour, le voilà relégué en 18e position au général à 1h10 du leader. Jérémie Beyou, lui, est 4e à 22 minutes. Mais à mi-course, les écarts sont encore limités en tête, avec 17 bateaux en moins d’une heure. Michel Desjoyeaux
et Kito De Pavant
sont en embuscade…
La Rochelle – Cork-Crosshaven (456 milles) : Laurent Pellecuer la voulait tellement
Avec ses 456 milles, cette troisième étape est un Tourmalet de la mer. Michel Desjoyeaux
et Erwan Tabarly
prennent les meilleurs départs, le 17 août à 17h17 dans les eaux du département 17. Après 24 premières heures plus clémentes que prévu, le vent et la mer forcissent. Toute la flotte au près… plus de 400 milles à tirer des bords dans une mer vite désordonnée. « C’est la guerre ! » assure Benoît Petit (Défi Santé Voile), quand les dix meneurs se retrouvent alignés à Ouessant et qu’on annonce une nouvelle dorsale anticyclonique à négocier en mer Celtique. Les organismes et les bateaux souffrent, les bateaux font des bruits effroyables en retombant dans la vague. Amaïur Alfaro (www.pays-basque-entreprises.com) et Christian Bos (Raynal et Roquelaure) abandonnent sur casse et se déroutent sur Lorient. Dans La Manche, les décalages est-ouest sont impressionnants. Les leaders se succèdent : après Yannick Bestaven (Aquarelle.com) et Jeanne Grégoire (Banque Populaire), un temps pointés en tête, Jérémie Beyou prend résolument les commandes de cette meute d’enragés qui donnent tout. « Du près, du près et encore du près, mais avec de petits coups à faire ici ou là », raconte Jérémie Beyou, «un peu comme si on demandait à un bûcheron de jouer de la clarinette tout en continuant d’abattre ses troncs d’arbre. C’est une étape de légende !». Michel Desjoyeaux
confirme : « une bagarre de chiffonniers contre les vents dominants ». Jérémie, puis Yann Elies croient tenir la victoire en approche de Cork, mais c’est Laurent Pellecuer qui surgit de la pluie irlandaise ! Le Montpelliérain a négocié idéalement la dorsale « comme Fred Duthil en remontant de Getxo, j’ai fait l’intérieur du virage » raconte-t-il. Et il prend la tête du classement général après trois jours et quatre nuits de folie furieuse. Yann Elies et Kito De Pavant
se classent 2e et 3e de l’étape. Pietro D’Ali est encore premier bizuth de l’étape mais il recule à la troisième place au général. Jérémie Beyou (5e) se désole sur l’air de « je ne gagnerai donc jamais? » mais il remonte aussi à la deuxième place au général à 10’32’’ de Laurent Pellecuer. Gildas Morvan
et Thierry Chabagny (5e auparavant) sont les grands perdants en Irlande, mais on sait déjà que tout se jouera lors de la dernière manche. Les trois premiers tiennent en 12 minutes, les huit premiers en une demi-heure et les onze premiers en une heure !
Cork – Port Bourgenay (428 milles) : Le chef d’œuvre de l’enragé Jérémie Beyou
Quarante-huit heures après l’arrivée en Irlande, météo exécrable plus classement serré marquent un départ sous haute tension à Crosshaven, pour l’ultime manche décisive. Armel le Cléac’h se rappelle au bon souvenir de tous en surclassant le parcours de lancement sous les falaises irlandaises dans 20 nœuds de vent. La flotte n’ira pas virer le Fastnet où la météo est exécrable (excellente décision : on y a enregistré des rafales à plus de 100 km/h et des creux de 6 mètres…). Une porte est prévue à Yeu pour pouvoir y faire une arrivée si la mer est trop grosse. Car la météo est celle d’une furie automnale : au passage d’un front froid, on annonce des vents moyens de 30 nœuds, des rafales à 40, voire 45 nœuds (85 km/h) et une mer démontée à Ouessant. C’est vite l’enfer sur l’eau. On dirait le grand sud antarctique sur les images filmées depuis le PSP Cormoran, avec les bateaux qui disparaissent dans les énormes creux des déferlantes. Aucune visibilité, de la pluie, de la mer, des vagues et rafales scélérates… Marc Lepesqueux (Maisons Pierre) est abordé par un cargo qui ne s’arrête pas et ne doit son salut qu’à un réflexe étonnant : il a plongé à l’intérieur de son Figaro qui démâte sous l’effroyable choc, mais Marc est sain et sauf et convoie sa coque à Falmouth.
C’est le moment des seigneurs du gros temps, des fous de la vallée de Fouesnant. Les skippers sont harnachés, les voiles arrisées au maximum. Pietro D’Ali envoie le minuscule tourmentin de tempête et « pense d’abord à la survie, pas à la course ». C’est dantesque et les meilleurs, pourtant, continuent de régater. Jusqu’à Sein, Laurent Pellecuer ne lâche rien, livrant une résistance magnifique. Mais Jérémie Beyou a la rage au corps. Fini les calculs. Il donne tout. Plus personne ne se voit, Erwan Tabarly
n’a plus d’électronique et doit naviguer à l’ancienne, laissant filer tout espoir de victoire comme Yannick Bestaven et Yann Elies qui n’ont plus de pilote, eux non plus. La bagarre est extraordinaire en tête entre Jérémie Beyou et Michel Desjoyeaux
. A Penmarc’h, Jérémie se décale légèrement pour pouvoir envoyer le spi et c’est de la baie d’Audierne aux Glénan qu’il construit enfin cette victoire qui se dérobait à lui depuis 9 participations, 35 étapes… Alors que le dernier est à 100 milles nautiques, après un ultime jeu d’empannage à Yeu Delta Dore entre en vainqueur dans la baie des Sables d’Olonne, coupe la ligne. Jérémie Beyou était déjà un grand marin. Il est désormais immense. Il peut pleurer dans son spi alors que Michel Desjoyeaux
est en approche suivi du talentueux Oliver Krauss (Espoir Crédit Agricole) qui s’offre une superbe 3e place à l’étape. Desjoyeaux prend la deuxième place au général, Kito De Pavant
, très régulier, la troisième. Laurent Pellecuer et Pietro D’Ali sont admirables de sportivité malgré leurs relatives déceptions. Jérémie Beyou décroche une place dans la légende en même temps que son Graal. A terre, la grande fête peut commencer. La course au large s’est trouvé un nouveau héros solitaire.
1/ Jérémie Beyou (Delta Dore) en 248h49'20'' - 2/ Michel Desjoyeaux
(Géant) à 1h20'54'' - 3/ Kito De Pavant
(Groupe Bel) à 1h58'41''
46 skippers au départ - 43 classés.
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