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© AFP/JEAN-PIERRE CLATOT
Les frères Louis et Simon Billy lors d'un entraînement de kilomètre lancé, le 29 mars 2017 à Vars
Dans la famille Billy, il y a un père et ses deux grands fils, tous "piqués" au kilomètre lancé, cette discipline où le skieur s'élance tout droit dans une pente vertigineuse pour battre des records de vitesse, à plus de 250 km/h.
Philippe, 51 ans, se remémore cette année 1988 quand il a assisté pour la première fois à une compétition. "C'était une Coupe du Monde. J'ai été piqué." Tout lui a plu, d'emblée : "aller tout droit ; ce bruit dans l'air, très pur ; et l'équipement, si particulier". Un casque ovoïdal qui descend sur les épaules et des ailerons placés dans le prolongement des mollets pour l'aérodynamisme.
Le moniteur de ski se met alors à la discipline, avec du succès, et délaisse Montpellier - mais pas son accent - pour venir s'installer à Vars, en famille.
La petite station des Hautes-Alpes accueille la piste de Chabrières, la seule au monde homologuée pour les records de vitesse. Elle démarre au sommet de la station à 2.715 m, présente 495 m de dénivelé et une pente maximum de 98% - qui flirte alors avec la verticale.
Et si le père ne voulait pas que ses deux fils, Simon né en 1991 et Louis né en 1993, l'imitent car "c'est dangereux", les deux gaillards ont tout de même été biberonnés à la pente et font partie aujourd'hui des meilleurs mondiaux.
Simon, détenteur d'un chrono à 252,809 km/h, ne vit que pour le "KL" et les Speed Masters, une fois l'an à Vars. Vendredi, il a manqué la finale de l'édition 2017 après une chute spectaculaire la veille, qui lui vaut une entorse du genou et une luxation du coude.
"Toute l'année je m'entraîne physiquement et l'hiver techniquement", explique le jeune homme de 25 ans qui s'astreint à une hygiène de vie acétique, sans céder à la tentation "d'aller boire des coups avec les copains".
La récompense, c'est l'intensité du moment, cette impression "d'être sur un fil", raconte-t-il. "On est ultra léger et ultra vulnérable aussi, on glisse sur un coussin d'air, en fait il n'y a plus que nous et l'air".
Son frère Louis abonde: "c'est une accélération fulgurante, des sensations énormes, de l'adrénaline. C'est indescriptible". Une descente ne dure que 13 à 15 secondes mais "on vit ça au ralenti".
- Des fratries rivales -
Le "KL" ne compte qu'entre 80 et 100 adeptes dans le monde, dont seulement trois femmes, la France en fournit une quinzaine. Et si la fratrie Billy se distingue, elle a noué des liens d'amitié avec celle des Montes, venus des Pyrénées.
Bastien, 31 ans, a gagné les Speed Masters vendredi à 251 km/h, après avoir emporté la Coupe du Monde à Idre (Suède) la semaine dernière. Son cadet de deux ans, Jimmy, a détenu un temps le record du monde junior, à plus de 204 km/h.
"Des amis d'enfance", confie Simon. "On va surfer chez eux l'été sur la côte basque, ils viennent s'entraîner chez nous l'hiver, on leur a apporté nos réglages même si on garde nos petits secrets".
Par contre, lâche le champion, "on ne donnera rien aux Origone !". Car dans le petit monde du kilomètre lancé, les deux frères italiens, Ivan et le "sorcier" Simone, détiennent les records. Pendant sept ans, Simone a tenu le haut du pavé avec des descentes culminant à 252,632 km/h, ce qui lui a valu son surnom. L'an passé, Ivan l'a surpassé avec 254,958 km/h. A ces vitesses-là, les millièmes comptent.
Comment en grappille-t-on encore ? "Le ski de vitesse, ce n'est que du compromis", relate Philippe qui mène de front l'entraînement de ses fils, la gestion de la piste de KL pour la station et ses activités d'entrepreneur immobilier.
Chaque athlète, juché sur des skis de 2 m 40 et 14 kg - des "rails" -, doit trouver le rapport idéal entre son poids et son volume, ainsi que le bon placement de son corps, regroupé et gainé pour avoir une bonne pénétration dans l'air.
Bien loin des oripeaux des chercheurs d'or californiens de la fin du XIXe siècle, qui ont inventé le KL l'hiver en attendant le dégel des rivières où ils prospectaient, les "kaélistes" revêtent aujourd'hui une combinaison en latex rouge, couleur qui préserve le mieux les propriétés mécaniques du textile.
Chez les Billy, c'est la grand-mère qui les retouche à la machine à coudre. Et une seule entreprise les fabrique à Annecy-le-Vieux (Haute-Savoie), tenue par un mordu de glisse, Georges Pessey. Il y travaille avec ses enfants. Encore une histoire de famille.