Happy Birthday : |
© AFP/Philippe Desmazes
Emile Allais le 13 janvier 2010 à Genève
Emile Allais, décédé mercredi soir à l'âge de 100 ans, avait écrit les premières pages glorieuses du ski alpin français avec sa toute première médaille olympique en 1936, sous les yeux d'Hitler, et son premier titre de champion du monde.
Ce pionnier de la neige, qui fut non seulement le premier champion, mais le premier moniteur, le premier pisteur et le concepteur de plusieurs stations de ski dans le monde, avait célébré son siècle le 25 février à Megève (Haute-Savoie), son village de toujours.
Ce fut pour lui le premier hiver sans chausser les planches. Sa santé avait décliné cet été et hospitalisé à Sallanches depuis dix jours, suite à un malaise, le centenaire a fermé ses yeux bleu clair pour de bon. Emile Allais a tapissé toute sa vie de flocons blancs.
Enfant, il découvre les plaisirs de la glisse, en jouant au porteur avec son oncle pour les touristes qui commençaient dans l'entre-deux-guerres à affluer sur les pentes de la région du Mont-Blanc, dépourvues alors de remontées mécaniques.
En février 1936, le ski alpin fait son apparition au programme olympique et si ces Jeux d'hiver de Garmish-Partenkirchen servent la grandeur de l'Allemagne nazie, le Haut-Savoyard s'illustre avec la médaille de bronze du combiné, la seule discipline alpine.
Alors que les deux Allemands devant lui font le salut nazi, Emile Allais reste bras baissés mais il ne peut empêcher le Führer de lui serrer la main. "Je ne pouvais pas refuser. Et à ce moment là, on ne pouvait pas se douter de ce qu'il allait arriver", racontait-il dans un entretien à l'AFP il y a quelques années.
petit côté révolutionnaire
Un an plus tard, Emile Allais est le héros des Championnats du Monde à Chamonix. Avec trois médailles d'or, il devient le tout premier champion du monde du ski alpin français, trente ans avant la période dorée des Killy et Goitschel.
Son équipement a un petit côté révolutionnaire: des planches, faites main dans un bois choisi spécialement pour sa souplesse, et surtout un fuseau imaginé par le tailleur du village, Armand Allard, qui empêche la neige de rentrer dans les chaussures et signe ainsi la fin des tenues bouffantes en vogue à l'époque.
"On skiait la plupart du temps sans lunette. On ouvrait un oeil et puis l'autre", expliquait Emile Allais dans un vieux reportage télévisé. "A notre époque, il fallait une certaine dose de chance. On pouvait accrocher une branche. J'ai gagné le Championnat de France en descente en chutant. J'avais fait un saut périlleux et j'étais retombé sur mes skis, je n'avais pas perdu de temps".
© AFP/Jean-Pierre Clatot
Emile Allais skie à Megève, le 4 février 2006
Blessé à une cheville en 1939, Emile Allais abandonne la compétition, pour explorer d'autres facettes du ski, de l'enseignement à la préparation et la conception des pistes.
touche-à-tout
Il élabore ainsi dans un manuel "le ski à la française", qui contrairement la technique autrichienne du chasse-neige prône les virages skis en parallèle.
Quand l'Ecole du ski français démarre, Emile Allais en est le tout premier moniteur, père de tous les pulls rouges d'aujourd'hui. Après la guerre, il part Outre-Atlantique développer des stations de ski du Canada au Chili: aux Etats-Unis, Sun Valley, Squaw Valley, Telluride portent ainsi sa signature, tout comme Portillo et la Parva au Chili et Sierra Nevada en Espagne. D'Amérique, il ramène une machine à chenillette qu'il détourne de sa fonction première pour damer les pistes dans les Alpes. Et le voilà, premier pisteur de France.
Le touche-à-tout va aussi servir de conseiller technique au fabricant Rossignol. En 1960, avec des "Allais 60", Jean Vuarnet est sacré champion olympique de descente à Squaw Valley, sur une piste imaginée par son prédécesseur.
Papa tardif, il a bercé de contes blancs ses deux filles, Karen et Kathleen, ancienne skieuse de freestyle qui participa aux JO de 2002 à l'épreuve de bosses.