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Ancien ailier et capitaine emblématique du XV de France auquel il voue un sincère attachement, le sélectionneur Philippe Saint-André a raté ses retrouvailles avec ses amours de jeunesse, refermant samedi à Cardiff l'un des pires mandats de l'histoire des Bleus.
Juin 2014, salon de l'hôtel Intercontinental de Sydney. Appuyé contre un radiateur, entouré des rares journalistes venus suivre la piteuse tournée du XV de France en Australie, Saint-André se confie en quelques mots, pressentant peut-être l'ultime déroute qui se profile face aux Wallabies.
"L'ego fait que quand tu prends ce poste, tu es sûr de pouvoir faire mieux que le précédent sélectionneur. Et puis...", souffle-t-il.
Et puis ? Une humiliation et une élimination contre les All Blacks à Cardiff en quart de finale (62-13), synonyme du plus mauvais résultat des Bleus en Coupe du monde depuis 1991, pour clore quatre ans de contrat maussade, avant d'être remplacé le 1er novembre par Guy Novès.
Avec moins de 45% de victoires depuis sa prise de fonctions lors du Tournoi-2012, sevré de succès-fondateur et d'allant, +PSA+, 48 ans, n'est jamais parvenu à réanimer un morne XV de France, engoncé dans ses doutes, embarrassé par ses carences techniques et tactiques et plus que jamais pris dans l'étau d'un calendrier fou.
Un crève-coeur pour celui que ses proches décrivent comme "un leader naturel", capable de faire "grimper aux rideaux" ses hommes et qui n'aura jamais réussi à sublimer le destin de cette équipe.
On s'interroge encore sur l'immense décalage entre l'image tiédasse qu'il renvoie au grand public et le charisme qu'il semble déployer une fois sur un terrain.
- Le déclin français -
N'a-t-il pas été 34 fois capitaine d'un XV de France vertueux dans les années 1990, un ailier peu élégant mais diablement efficace (34 essais en 69 sélections), un entraîneur réputé en Angleterre en y décrochant un titre de champion en 2006 avec Sale ?
Mais à la tête des Bleus, il n'a jamais su enrayer l?inexorable déclin depuis la finale de la Coupe du monde 2011 perdue face à la Nouvelle-Zélande (8-7) à Auckland.
Et si finalement Saint-André n'était tout simplement pas taillé pour ce poste exposé, parfois frustrant, politique, et où la communication extérieure est primordiale ? Comme le fruit d'un malentendu entre sa passion personnelle pour le XV de France et ses aspirations professionnelles.
Au début de l'été, alors que Saint-André prenait enfin en main son groupe pour deux mois de préparation à la Coupe du monde, il s'était enthousiasmé avec une certaine maladresse: "Là, on entre dans ce que je sais faire. C'est-à-dire être au quotidien avec les joueurs, tout gérer".
"Il a un fonctionnement très affectif et le fait d'avoir les joueurs près de lui au quotidien, c'est vraiment sa came, c'est là-dedans qu'il s'épanouit", confirme son frère Raphaël, lui aussi entraîneur.
Or, pendant longtemps Saint-André a gaspillé beaucoup d'énergie loin du terrain, frustré de n'avoir que peu ses hommes à disposition et mû par la conviction, ou la vanité, qu'il parviendrait à changer un système français éreintant pour ses internationaux.
- Jeu contre-nature -
S'il a arraché quelques concessions, des jours par-ci, par-là, en clamant "travailler pas seulement pour (lui) mais pour l'avenir du rugby français", force est de constater que cela n'a guère amélioré l'ordinaire.
Dans le même temps et dans un constat d'impuissance, il a vu son XV de France pratiquer un jeu restrictif et contre nature, à rebours du tempérament offensif de son sélectionneur. Epaulé de Yannick Bru (entraîneur des avants) et Patrice Lagisquet (entraîneur des arrières), Saint-André a proposé un rugby triste, à l'image de ces interminables rencontres à arpenter la ligne d'avantage sans solution, enferré dans un jeu unidimensionnel basé sur une fraîcheur physique que les exécutants n'avaient même pas.
Il faudra à Saint-André confesser aussi quelques erreurs de gestion, à l'image de ces incessants va-et-vient à la charnière, de ses explications hasardeuses pour justifier l'éviction de l'un ou le maintien de l'autre, et aussi des fautes stratégiques sur certains matches.
Mais avant d'enterrer tout à fait le fossoyeur, il faut rappeler qu'il a lancé une génération entière dans le grand bain international, dont les figures de proue sont le deuxième ligne Yoann Maestri ou encore le centre Wesley Fofana. Ceux-là seront sans doute encore là dans quatre ans, endurcis par des désillusions à répétition, et peut-être enfin à maturité pour décrocher le Graal du rugby français.