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Le géant des médias Vivendi négocie un rapprochement entre Canal+ et la filiale française du qatari BeIn Sports, qui lui permettrait de redevenir l'acteur de référence du sport à la télévision et d'enrayer la fuite des abonnés de la chaîne cryptée.
Concurrents frontaux depuis l'arrivée de BeIn dans le paysage médiatique français, en 2012, les groupes négocient "depuis plus d'un mois" un rapprochement qui pourrait prendre la forme d'un rachat pur et simple de BeIn Sports France par Vivendi ou d'un accord de diffusion exclusive, a déclaré jeudi à l'AFP une source proche du dossier, confirmant une information de Libération.
Les deux acteurs se sont donné jusqu'à "fin février ou début mars" pour conclure un accord ou constater l'échec des discussions, a précisé cette source.
"Il y a un intérêt convergent à réfléchir à des solutions ensemble", affirme-t-elle.
Pour Canal+, débouté il y a 18 mois du procès pour "concurrence déloyale" intenté au groupe qatari, la motivation est évidente: ces dernières années la chaîne cryptée a perdu les droits de diffusion de plusieurs compétitions sportives importantes au profit de BeIn, mais aussi d'Altice, le propriétaire de l'opérateur SFR-Numericable, qui a raflé le championnat anglais de football fin novembre.
Selon une note d'analyse de Natixis publiée début décembre, ce seul revers pourrait inciter 300.000 clients de Canal+ à ne pas renouveler leur abonnement.
Or, à fin septembre, le groupe de télévision payante avait déjà perdu 88.000 abonnés en un an en France.
"Il est indispensable que nous réinvestissions dans le sport", affirmait en novembre Vincent Bolloré, patron du conseil de surveillance de Vivendi, à ses salariés. Mais peu de droits de compétitions majeures seront remis en jeu prochainement.
Mettre la main sur BeIn Sports France, qui diffuse le championnat de football français et la Ligue des Champions, mais aussi le basket américain ou le tournoi de tennis de Wimbledon, lui permettrait donc de revenir dans le jeu rapidement, d'autant que Canal+ doit aussi faire face à une concurrence accrue sur son autre pilier historique, les films et séries, avec l'arrivée de Netflix et les projets d'Amazon.
"Canal+ gagnerait alors en visibilité et pourrait envisager plus rapidement que prévu un développement international et un renforcement dans le contenu", estiment les analystes de Natixis.
- 8 milliards de trésorerie -
Du côté de la filiale de BeIn Media Group (anciennement Al-Jazeera Sport), qui a attiré 2,5 millions d'abonnés en quelques années grâce à un prix relativement bas (13 euros par mois actuellement), ce pourrait être une bonne occasion d'arrêter les frais. Natixis estime les pertes de la filiale française à plus de 250 millions d'euros par an.
D'autant que son propriétaire, le fonds souverain du Qatar, est durement touché par la chute du prix du baril de pétrole et de ses participations dans plusieurs grands groupes, dont ses 15% dans le constructeur allemand en difficulté Volkswagen. Il y a deux semaines, il a ainsi jeté l'éponge pour la version américaine de sa chaîne d'information Al-Jazeera, lancée en 2013.
En décembre, l'offre promotionnelle du groupe français - BeIn Sports gratuit pendant trois mois pour toute souscription à Canalsat ou à Canal+ - avait été le premier signe d'une trêve entre les ex-frères ennemis.
"C'était le haut de l'iceberg" des négociations qui avaient commencé en coulisses, confirme la source interrogée.
BeIn ne consentirait pas à un accord de diffusion exclusive "à moins de 100 millions d'euros", juge le quotidien Libération, soulignant que Canal+ paye actuellement 50 millions par an à l'américain Discovery pour l'exclusivité d'Eurosport.
En cas de rachat, Natixis évalue la valeur de BeIn Sport à 500 millions d'euros (deux fois son chiffre d'affaires), que Vivendi pourrait financer soit en piochant dans sa trésorerie nette (8 milliards d'euros à fin septembre, grâce à la cession de l'opérateur SFR), soit en payant en actions, ce qui permettrait à BeIn de prendre 8% de Canal+, calcule Libération.
Selon un négociateur de Vivendi cité par le quotidien, BeIN Sports a également approché Orange et Free pour discuter d'une distribution exclusive.
Contactés, Vivendi et BeIn Sports n'ont pas souhaité commenter ces informations, tout comme les deux opérateurs Orange et Free (groupe Iliad).