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La goélette océanographique Tara a retrouvé son élément favori, la glace: le deux mâts d'observation des écosystèmes marins soumis au réchauffement climatique cabote depuis la fin juillet le long de la côte orientale du Groenland, pour une mission ornithologique.
Le deux mâts qui avait accédé à la célébrité avec une dérive arctique de 18 mois, entre 2006 et 2008, prisonnier volontaire de la banquise entre la Sibérie et le Groenland, remet donc ses 36 m de coque en aluminium à l'épreuve des icebergs et des blocs de glace dérivants, entre Islande et Groenland.
Pour Romain Troublé, secrétaire général de Tara Expéditions, "cette nouvelle mission dans les hautes latitudes pour observer l'évolution des colonies d'oiseaux marins soumises au réchauffement climatique, a déjà enrichi notre savoir-faire lors d'une difficile navigation dans un environnement hostile et dangereux".
- Oiseaux indicateurs du réchauffement -
Cette mission Tara-Ecopolaris va permettre pendant deux semaines à ces spécialistes des oiseaux du Grand Nord d'étudier et recenser les colonies de volatiles qui nichent dans ces îlots inhabités battus par les vents glacés de la région.
"Il y a onze ans, en 2004, nous étions déjà à bord de Tara, au même endroit, pour une première mission ornithologique groenlandaise", expliquent à l'AFP les deux pilotes de la mission, les ornithologues du Groupe de recherche en écologie arctique (GREA) Olivier Gilg et Brigitte Sabard, par téléphone satellite depuis la goélette.
"Les oiseaux marins -eiders à duvet, guillemots, mouettes tridactyles ou goélands marins-, de par leur évolution, leur implantation géographique, sont de bons indicateurs du réchauffement climatique en cours", soulignent les deux scientifiques.
"L'exemple des goélands marins, venus de latitudes plus tempérées et qui commencent à coloniser cette région est édifiant", pointe Olivier Gilg. "Ils sont maintenant présents et sédentarisés en nombre sur cette côte qu'ils fréquentaient peu avant, en raison de températures trop basses."
Il en va de même des mouettes tridactyles, des oiseaux hauturiers venus de régions plus méridionales et qui nichent maintenant en masse sur les falaises groenlandaises.
"Notre mission consiste aussi à étudier la pollution d'origine anthropique, notamment au mercure, dont peuvent souffrir ces espèces. Nous avons effectué de nombreux prélèvements sur les duvets trouvés dans les nids, qui seront ensuite analysés en laboratoire", précisent les ornithologues.
- Tara: l'océan à Paris -
Goélette océanographique et sentinelle navigante du changement climatique, depuis une décennie et à travers toutes les mers du monde, Tara sera de nouveau à Paris, amarrée au pont Alexandre-III, en novembre et décembre, pour la 21e conférence climatique internationale, la COP21.
"Tara amènera l'océan à Paris", sourit Romain Troublé.
Le secrétaire général de Tara Expéditions, furieux que l'océan, qui recouvre les deux tiers de la surface de la planète, soit absent du programme des négociations de la conférence, espère faire entendre la voix des drisses et haubans de son deux mâts. Car les océans sont bien la pièce cardinale de la machine climatique en produisant 50% de l'oxygène et en absorbant un tiers du CO2 produit par l'activité humaine.
Romain Troublé est l'ambassadeur de l'Appel de l'Océan pour le Climat lancé en juin à l'Unesco à Paris et dont sont membres une soixantaine d'associations, organisations, fondations et institutions scientifiques internationales.
Du haut de ses deux mâts de 27 m, Tara portera cet appel pour une meilleure prise en compte des océans et de leur préservation, dans les négociations climatiques.