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© AFP/Adam BERRY
Une fresque représentant les frères Boateng: Jerome, George et Kevin-Prince, dans le quartier de Wedding à Berlin, le 8 juin 2017
Lorsque Jérôme Boateng sortait du métro dans la rue Pankstrasse, à Berlin, l'immense fresque murale qui le représente avec ses frères n'existait pas encore. Il n'était qu'un gosse, un visage parmi tant d'autres de la diversité allemande dans ce quartier populaire de Wedding.
Quelques minutes de marche le menaient à "la cage"! Son premier terrain de foot. Un rectangle de béton de 30 mètres sur 10 à peine, entièrement grillagé et surmonté d'un immense filet pour que les ballons n'aillent pas se perdre dans le voisinage.
Vingt ans ont passé, et rien n'a changé, ou presque. Les gamins sont toujours là. Et les herbes folles envahissent au printemps le petit square adjacent, où la faucille et le marteau de l'ex-URSS ornent, incongrus, l'un des équipements de jeu pour les plus petits.
Rien n'a changé... Sauf que la "cage" est devenue un lieu mythique du football berlinois. La matrice d'où sont sortis Kevin-Prince et Jérôme Boateng, idoles des quartiers ouvriers de la capitale allemande. Le premier est aujourd'hui professionnel en Liga espagnole à Las Palmas, le second champion du monde avec l'Allemagne et un pilier du Bayern Munich.
Fin des années 90... Kevin est le demi-frère aîné de Jérôme. Ils ont le même père, ghanéen, mais pas la même mère. Kevin vit au c?ur de Wedding, un quartier difficile. Jérôme à Wilmersdorf, dans un environnement moins rude. Sa mère, allemande, est hôtesse de l'air.
- "... se tanner le cuir" -
Dès dix ans, tous les deux jouent pour un petit club local, le Tennis Borussia Berlin. Mais "la cage" restera le centre de leur monde pendant des années.
"La cage nous a façonnés", témoigne leur frère aîné George, qui ne deviendra jamais professionnel: "C'était notre lieu le plus important. Un terrain dur. Pierre. Asphalte. Le strict nécessaire. Deux poteaux et une barre en métal. Pas de filets. Rien".
Pour pouvoir jouer après la tombée de la nuit, les enfants "empruntent" parfois des lampes sur les chantiers alentours, qu'ils disposent aux coins de la cage.
© AFP/Joe KLAMAR
Jerome Boateng, buteur avec la sélection allemande contre la Slovaquie à l'Euro, le 26 juin 2016 à Villeneuve-d'Ascq
Entre Jérôme et Kevin, dix-huit mois d'écart seulement. Mais ils viennent de milieux différents. Et Jérôme vit avec son père, que Kevin voit peu. Leur relation de fraternité/rivalité vient de très loin, et elle culmine dans la cage. "Il y a eu quelques situations ou l'un ou l'autre a exagéré, mais ça fait partie du jeu. Il faut ça aussi pour se tanner le cuir", raconte George, dans le livre "Les Frères Boateng", du journaliste Michael Horeni.
"J'étais très timide, lorsque je suis arrivé là", admet Jérôme, "je pleurais quand Kevin m'engueulait". Mais le garçon refuse aussi d'être en retard d'un dribble ou d'une feinte sur son frère, et travaille comme un fou, tout seul, pour arriver à reproduire les "trucs" de son aîné.
- Miné par le stress -
Doués, les frères Boateng sont bientôt recrutés par le Hertha Berlin, le "grand" club de la capitale. Jérôme a 14 ans.
Son premier entraîneur, Dirk Kunert, découvre rapidement que l'adolescent, sous un calme apparent, cache une sensibilité et une émotivité qu'il ne contrôle pas toujours. "Il s'énervait très vite lorsque les choses n'allaient pas comme il voulait, il donnait des coups de pieds dans les poteaux!", raconte-t-il à l'AFP.
En 2005, le Hertha joue la finale du championnat d'Allemagne des U17 contre le Hansa Rostock. Miné par le stress, Jérôme se sent mal à la mi-temps. Il vomit. Mais il reprend le match, et le Hertha remporte le titre.
La photo de l'équipe gagnante, avec Jérôme, trône toujours au mur dans les vestiaires des juniors du Hertha. De quoi alimenter les rêves de générations de jeunes talents.
Certes les frères Boateng avaient du talent. Mais la réussite "est toujours un chemin étroit", dit Kunert, "beaucoup de choses peuvent se mettre en travers, blessures, mauvaises fréquentations, il faut travailler dur sur soi-même. Jérôme a vraiment suivi la bonne voie", conclut l'éducateur, fier d'être toujours resté en contact avec le champion du monde, dont le portrait géant sourit désormais aux gamins de Wedding, à la sortie du métro de la Pankstrasse.