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Le défilé permanent à sa tête, la modicité de son budget, la dilution de ses compétences et de son influence interpellent sur l'utilité d'un ministère des Sports, spécificité française héritée du Front Populaire.
"Voiture-balai". C'est ainsi que Jean-François Lamour, recordman de la longévité à ce poste (1834 jours au début des années 2000), avait qualifié en avril le ministère taillé, selon lui, pour "gonfler le portefeuille de" Najat Vallaud-Belkacem lors du remaniement.
Après avoir été sous tutelle de la Santé avec Roselyne Bachelot (2007-2010), indépendant sous Chantal Jouanno (2010-2012) puis ré-associé à la Jeunesse avec Valérie Fourneyron (2012-2014), le portefeuille des Sports se trouvait associé aux Droits des femmes, à la Ville et la Jeunesse pour quelques mois.
Oubliée la "voiture-balai", Jean-François Lamour parle aujourd'hui des Sports comme la "variable d'ajustement" dans la composition d'un gouvernement. "C'est devenu un tremplin, un poste d'attente ou un moyen d'équilibrer les positions", dit-il.
Résultat: depuis la période de stabilité incarnée par Marie-Georges Buffet (1997-2002) et M. Lamour (2002-2007), neuf ministres et/ou secrétaires d'Etat se sont succédé, agaçant ou amusant les acteurs du sport français. "Les ministres passent, moi je reste", s'était ainsi gaussé Pierre Camou, président de la Fédération française de rugby depuis 2008, après que Valérie Fourneyron, alors ministre, eut exprimé des réserves sur son projet de grand stade.
- Faible considération -
Car le changement constant paralyse l'action. "Toute politique publique nécessite de s'inscrire dans la durée et la cohérence du périmètre", juge Valérie Fourneyron, débarquée en avril au profit du tandem Vallaud-Belkacem/Thierry Braillard au moment où ses deux ans de travail allaient déboucher sur un projet de loi. "Il faut du temps pour mener une politique qui ne se résume pas aux résultats du sport de haut niveau ou à l'accueil de compétitions internationales".
Bon signe cependant pour la cohérence de l'action, le cabinet de Thierry Braillard, secrétaire d'Etat sous tutelle de Patrick Kanner, nouveau ministre de la Ville, est dirigé aujourd'hui par l'ancien adjoint de celui de Fourneyron, Kenny Jean-Marie.
En matière de constance, Jean-François Lamour ne dit pas autre chose: "Plus qu'une connaissance préalable du milieu -Marie-Georges Buffet a été une excellente ministre, juge-t-il-, une véritable politique sportive nécessite de la pérennité", estime le double champion olympique d'escrime. "Qu'ont eu le temps de faire les derniers ministres? Beaucoup de +com+, excepté Fourneyron dont on avait le sentiment qu'elle était là pour plus longtemps."
Au-delà de la durée, la considération pour la chose sportive laisse à désirer au sommet de l'Etat, et chez les politiques en général. On se souvient de la saillie d'Eva Joly durant la campagne présidentielle de 2012 -"Si je fais 2-3%, on va me donner le ministère de la Jeunesse et des Sports, et ça s'arrêtera là"- ou encore de la nomination différée de Bernard Laporte, désigné cinq mois avant sa prise de fonction, le temps de le laisser terminer sa mission de sélectionneur du XV de France en 2007.
- Un budget peau de chagrin -
Logiquement, le budget des sports est l'une des premières victimes de la rigueur. Avant 2007, les titulaires du portefeuille pesaient suffisamment pour défendre leur milliard. Aujourd'hui, les crédits alloués au sport ont fondu à 800 millions, soit environ 1,5% du budget de l'Etat, et encore beaucoup moins si l'on ôte la participation du CNDS (Centre national de développement du sport) financé par les taxes sur la Française des Jeux et les retransmissions télévisées.
Dans ces conditions, à quoi sert encore le ministère des sports, spécificité française inventée par le Front Populaire de Léo Lagrange? Aucun pays européen ne dispose d'un tel outil. En Angleterre, Espagne, Allemagne, le sport relève de la compétence des régions... L'Italie et les Etats-Unis confient les affaires sportives à leur comité olympique. Alors?
Farouche partisan du transfert de compétences de l'Etat vers le mouvement sportif et en particulier vers le Comité olympique français (CNOSF), son président, Denis Masseglia, ne souhaite pas pour autant la disparition du ministère des sports. "Bien sûr qu'il faut une intervention de l'Etat! Mais il faut qu'elle soit plus efficace", plaide-t-il.
Incontournable, l'Etat le reste en effet en matière d'accès à la pratique des femmes, des handicapés, en matière de sport-santé, de diplomatie sportive, de lutte antidopage, d'accueil de grands événements. "Il faut inventer un modèle nouveau", reprend Masseglia, partisan du rattachement des Sports à l'Education nationale. Et ça n'a rien à voir avec les changements de ministres. Un modèle où la décision n'appartiendrait pas seulement à l'Etat -qui n'est depuis longtemps plus le premier financeur du sport- mais à tous ses acteurs. "Parce que le sport, croit-il, est un investissement pour l'avenir et non une charge."