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Il lui a suffi d'une victoire pour gagner sa place sur la carte du rugby mondial. Le Japon, qui accueillera la prochaine Coupe du monde en 2019, se trouve aujourd'hui face à un nouveau défi, également de taille: conquérir le public à domicile.
Retour au 19 septembre dernier. Le XV japonais affronte les Sud-Africains en match de poules du Mondial-2015. Contre toute attente, les Brave Blossoms s'imposent 34 à 32. Alors qu'ils n'avaient jusque-là gagné qu'un match, en 1991 contre le Zimbabwe, ils viennent de s'offrir les Springboks!
En Europe et dans l'hémisphère sud, on comprend qu'il faudra désormais composer avec la sélection japonaise. Mais au Japon, le ballon ovale a toujours du mal à se faire une place aux côtés des tout puissants baseball et football.
Le parcours des Japonais s'arrête finalement à deux doigts des quarts de finale et l'entraîneur d'alors, Eddie Jones, passé depuis en Angleterre et remplacé par le Néo-Zélandais Jamie Joseph, prophétise: "Comme dans toutes les success-stories, le prochain chapitre est tellement important..."
Pour Noriyuki Sakamoto, patron de la Fédération japonaise (JRFU), la suite est toute tracée: "l'objectif pour 2019 doit être de figurer parmi les huit premiers ou même en demi-finales".
- 'Satisfaire ceux qui vont au stade' -
Pour cela, il faudra capitaliser sur l'enthousiasme suscité par le Mondial-2015, et notamment le record d'audience pour un match de rugby enregistré lors de la victoire face aux Samoa, avec 25 millions de téléspectateurs.
"La communauté japonaise du rugby doit utiliser des stratégies marketing pour approfondir la relation entre le sport et ses fans", explique Munehiko Harada, professeur en management du sport à la Waseda University de Tokyo.
D'après lui, il faut "accorder de l'importance et satisfaire ceux qui vont au stade, utiliser les méthodes du sport business, faire appel à des experts pour vendre des billets".
Et pourquoi pas employer un speaker pour expliquer les décisions arbitrales, comme lors de la finale du tournoi universitaire qui a rassemblé 16.669 spectateurs à Tokyo début janvier, contre 12.107 en 2015.
Porté par ce championnat universitaire, le rugby japonais a d'ailleurs déjà connu une période faste des années 1960 au début des années 1990, attirant régulièrement quelque 50.000 spectateurs. Les équipes scolaires étaient alors un sujet récurrent des séries télévisées pour adolescents.
Mais la confrontation avec les XV d'Europe et de l'hémisphère sud dans les années 1990 a quelque peu douché les enthousiasmes. En 1994, le rugby japonais comptait 167.000 licenciés, puis la défaite 145-17 contre les All Blacks lors du Mondial-1995 est passée par là...
Aujourd'hui, le pays n'a pas de championnat professionnel à proprement parler. Sa Top League compte 16 équipes financées par des entreprises, qui alignent des "pros" comme des amateurs employés par les sponsors.
- 'Plus excitant qu'un match de foot' -
Mais, signe que les temps changent, une franchise japonaise, les Sunwolves, évoluera cette année en Super Rugby, le championnat des provinces de l'hémisphère sud.
La compétition devrait attirer un public qui découvre tout juste le rugby, à l'image de Kiyoshi Arai, 54 ans et deux rencontres à son compteur. Après la finale 2016 du championnat universitaire, il admettait ne pas encore bien comprendre le sport mais le trouvait "aussi excitant, peut-être même plus qu'un match de foot".
Un enthousiasme que les fans confirmés voient d'un bon oeil. "Plus on portera d'attention à notre équipe nationale, plus ils seront bons", estime Yoshihiro Tsutsui, 44 ans.
Bons, les Brave Blossoms devront déjà l'être lors de deux test-matches à domicile en juin contre l'Ecosse, qui les a battus 45-10 au Mondial.
"Ce sera l'heure de la revanche", promet Munehiko Harada. "Si le Japon réussit, ça devrait nourrir l'engouement actuel, mais une défaite embarrassante pourrait faire fuir les gens. Les fans sont inconstants et ils pourraient déserter à nouveau". Le XV japonais est prévenu.