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Autrefois enfant complexé, Patrick Mouratoglou est devenu l'un des entraîneurs de tennis les plus réputés, celui qui a relancé la carrière de Serena Williams, en passe de décrocher un vingtième titre du Grand Chelem samedi à Roland-Garros.
La collaboration entre la meilleure joueuse de la planète et ce coach atypique, qui s'est construit hors du sérail, est une véritable success-story. En trois ans, le duo américano-français a gagné six titres majeurs, deux médailles d'or olympiques (simple et double) et trois Masters d'affilée.
Tout a commencé en 2012 à Roland-Garros après une cuisante défaite. Serena vient d'être éliminée dès le premier tour par la Française Virginie Razzano (alors 111e mondiale). En proie au doute, elle cherche à donner un nouvel élan à sa carrière, à 30 ans.
"Jusqu'ici, j'avais remporté treize tournois du Grand Chelem en travaillant exclusivement avec mon père et ma mère. Et à ce moment-là, je ne cherchais rien d'autre que trouver la solution pour gagner à nouveau", raconte l'Américaine dans la préface de l'autobiographie de Mouratoglou, intitulée "Le coach" et publiée en mai.
Trois ans plus tard, Serena, N.1 depuis 119 semaines d'affilée (3e meilleure performance de l'histoire), peut potentiellement égaler bientôt le record de titres majeurs de l'Allemande Steffi Graf (22).
"Patrick est un coach phénoménal. Il dispose d'une capacité unique à analyser chaque situation et à trouver les solutions adaptées à chacun des joueurs avec lesquels il travaille. Il arrive à nous transmettre la confiance naturelle qui émane de sa personne", estime Serena, qui le considère comme un "mentaliste", et avec qui sa relation a dépassé le cadre du tennis.
- Solide réputation -
Avant de la guider, Mouratoglou s'était déjà bâti une solide réputation dans le milieu. Il avait hissé un jeune Chypriote, Marcos Baghdatis, alors inconnu, en finale de l'Open d'Australie en 2006, puis dans le Top 10.
Il avait aussi pris sous son aile le prodige bulgare Grigor Dimitrov, et conduit la Belge Yanina Wickmayer en demi-finale de l'US Open (2009). La Suissesse Martina Hingis, ancienne N.1 mondiale, s'était elle aussi entraînée dans son académie en banlieue parisienne, qui déménagera prochainement près de Nice.
La trajectoire de ce grand brun à la barbe de trois jours, doué pour la communication, fait des jaloux en France. On le dit "frimeur", "opportuniste", "chanceux". D'autres font l'éloge de son parcours en dehors des sentiers battus.
Tombé amoureux du tennis dès l'âge de 4 ans, Mouratoglou, qui en aura 45 le 8 juin, n'a jamais été joueur professionnel. Il a dû mettre de côté la raquette assez tôt car ses parents, "à (son) grand désespoir", n'avaient "pas le projet de faire de lui un champion".
- Education stricte -
Dans ses plus jeunes années, ce sport est un moyen d'évasion. Chez lui, à Neuilly, les règles sont strictes. Personne ne discute les décisions de son père, un homme autoritaire et brillant, qui a fait fortune dans les énergies renouvelables.
Mouratoglou est un gamin hyperanxieux, complexé et en échec scolaire. Sa vie n'est alors que "souffrances". "Angoisses nocturnes quotidiennes, nausées et vomissements. Malingre, d'une timidité extrême, j'assiste à ma vie en spectateur incrédule, paralysé par la honte de ne pouvoir faire mieux", raconte-t-il dans son ouvrage.
A 13 ans, il décide de reprendre, d'abord, le contrôle de son corps. Puis vient le temps de la rébellion. Il devient un "petit caïd", traîne avec "des dealers", use de son pouvoir de séduction sur la gent féminine et s'alcoolise. Avant d'entreprendre un long travail avec un psy.
Le futur coach de Serena s'apaise, travaille un temps pour l'entreprise familiale, puis lance sa première académie de tennis avec le soutien financier de son père, avec lequel les relations se sont normalisées.
Son rêve était de remporter un titre majeur comme entraîneur. Il espère maintenant battre des records avec Serena qui, il en est certain, "n'a pas fini de (l')étonner".