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Conseil amical aux compétiteurs des épreuves de voile aux JO de Rio de Janeiro dans un an: pensez-y à deux fois avant de plonger dans les eaux polluées de la baie pour célébrer une victoire.
Vu du ciel, le site majestueux de la Baie de Guanabara est à couper le souffle, avec son Pain de sucre en sentinelle, son cirque de montagnes luxuriantes. Des hauteurs, la statue du Christ Rédempteur ouvre les bras aux marins du Nouveau monde.
Mais au ras des flots pas toujours très bleus, l'Australien Andrew Lechte est bien placé pour savoir que la carte postale est nettement moins idyllique: on y croise des courants d?égouts, des bans de détritus flottants.
"Tu ne jetteras point le vainqueur à la mer": c'est la conclusion en forme de commandement biblique qu'a tirée de ses navigations cet éclaireur d'Australia Team, rencontré par l'AFP à la Marina da Gloria, le port de plaisance de Rio.
Là, au futur quartier général des épreuves de voile et de planche à voile de Rio-2016, une bouche d'égout déverse à flot constant une eau marronâtre où flottent des excréments humains.
Les autorités ont promis d'y remédier d'ici décembre. Mais ce n'est qu'une goutte dans l'océan des eaux usées produites par cette ville de 6,5 millions d'habitants qui se jettent dans toute la baie sans le moindre traitement.
- 50% des eaux traitées -
"J'y ai vu une porte de réfrigérateur, des mannequins en plastique, des lits entiers, des fenêtres, des chats et des chiens crevés, et même un cheval!", égraine Airton, responsable d'un des "éco-navires", ces sortes de bennes à ordures flottantes déployées par les autorités dans un ultime effort pour nettoyer ce qui pourra l'être.
L'une des promesses de la candidature de Rio était de traiter à 80% les eaux usées qui se jettent dans la baie.
Malgré les efforts de l'Etat de Rio, il semble acquis que l'objectif ne sera pas atteint.
"Nous ne savons pas quel pourcentage de la baie nous parviendrons à traiter", a reconnu en février le gouverneur Fernando Pezao. Le maire Eduardo Paes a déploré une "occasion perdue".
Seul le Comité d'organisation affirme encore y croire. "En 2009, quand nous avons remporté les JO, à peine 13% des eaux usées étaient traitées. Aujourd'hui nous sommes à 50%, et nous arriverons à 80% en 2016", assure à l'AFP le vice-président de Rio-2016, Leonardo Gryner.
Les organisateurs se veulent confiants dans le bon déroulement des épreuves. D'abord parce que le corridor des régates est situé à l'entrée de la baie, sa partie la moins polluée. Ensuite parce qu'une flotte d'éco-navires sera déployée pendant la compétition pour ramasser les ordures dans la zone des régates.
"Nous avons cartographié les courants autour de la baie et la façon dont les détritus se déplacent", a expliqué Mario Andrada, directeur de Communication de Rio-2016.
Ces promesses rassurantes n'ont pas suffi à apaiser l'inquiétude de certains compétiteurs brésiliens et étrangers de haut niveau, qui ont réclamé en vain une délocalisation des épreuves en mer ouverte.
La controverse a fait des compétitions de voile, en général relativement mineures aux JO, les plus commentées de la préparation de ces jeux Olympiques.
"Si l'on persiste dans cette voie, on s'expose à une énorme humiliation", a mis en garde Torben Grael, légende brésilienne de la voile olympique.
- Danger sacs plastique !-
Les plus critiques s'inquiètent pour la santé, des dangers des bactéries, d'hépatite. Mais plus encore pour les risques potentiels que font peser les détritus sur le résultat d'épreuves de très haut niveau où le moindre détail est déterminant.
Une collision avec une télévision à la dérive, l'un des objets flottants croisés par Andrew Lechte, briserait probablement la coque d'un petit dériveur.
"Vous ne pouvez même pas vous permettre d'accrocher un sac plastique", sous peine de ralentir même momentanément, met-il en garde. "Cette différence peut faire ou défaire une victoire. Tout le monde devra être sur le qui-vive".
Habitués, les plaisanciers locaux s'en amusent à l'avance: "Ils peuvent toujours essayer de prier", rigole Antonio Guedes, un ingénieur de 61 ans sur son petit voilier.
Pour Airton, le capitaine de l'éco-navire rencontré par l'AFP, la tendance "est plutôt à l'amélioration. Mais il y a encore un tas d'ordures et il reste peu de temps".
Sarcastique, Andrew Lechte balance : "La situation s'est améliorée à 100% depuis un an. Je n'ai plus vu depuis aucun cochon mort à la dérive".