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Indispensable chef d'orchestre du jeu irlandais, l'ouvreur Jonathan Sexton doit sa carrière et ses succès à son caractère bien trempé et son inextinguible soif de victoires, quitte à consumer son entourage par son exigence.
A 30 ans et 55 sélections, Jonathan Sexton, son pied en or et ses mains soyeuses, est au sommet de son art quand il revêt le maillot vert. A tel point qu'il est identifié comme la clé de voûte du système irlandais avant le choc de Coupe du monde face à la France, décisif pour l'attribution de la première place du groupe D, dimanche à Cardiff.
"Je connais plutôt bien mon travail sur la pelouse mais Jonny sait où doivent se trouver les 14 autres joueurs, à n'importe quel moment du match. C'est le garant de notre jeu", résume le capitaine du XV du Trèfle Paul O'Connell, qui le qualifie de "plus grand compétiteur" qu'il ait jamais vu.
Avant de devenir incontournable, Sexton a toutefois dû jouer des coudes, en s'appuyant sur son talent mais aussi sur une haine tenace de la défaite, moteur de ses heures d'entraînement.
- 'De nulle part' -
C'est ce refus d'abandonner qui lui vaudra son premier moment de gloire, à 16 ans, sur le terrain de Lansdowne Road qu'il fréquentera tant par la suite. Alors élève du Saint Mary's College de Dublin, Sexton réussit un drop victorieux à la dernière seconde de la finale de la Coupe des écoles du Leinster.
Dans un petit documentaire consacré au prodige, son mentor et entraîneur de l'époque, Richie Hughes, se souvient: "Il a sorti ce geste comme ça, de nulle part. Tous les autres élèves dans les tribunes ont dû rêver d'être à sa place à ce moment-là. Mais, pour lui, ça semblait normal."
Son deuxième coup d'éclat se produit sept ans plus tard, en 2009, à la faveur d'un concours de circonstances qui mettra en avant sa force mentale.
"En Irlande, les gens aiment bien cette histoire", explique à l'AFP le demi de mêlée franco-irlandais de Grenoble James Hart.
"Il était en fin de contrat et, pendant la demi-finale de Coupe d'Europe face au Munster, (l'ouvreur titulaire Felipe) Contepomi se blesse", raconte-t-il. "Sexton entre et qualifie le Leinster. Il fait ensuite un super match en finale contre Leicester (11 points au pied dont un drop de 50 m, NDLR). C'est ce qui le relance complètement."
Installé en club, il se taille au caractère une place en sélection, en nourrissant une relation houleuse avec Ronan O'Gara, son aîné et titulaire du N.10 qu'il finit par déloger.
"Il y a eu beaucoup de compétition entre nous. Au début, je n'aimais pas Jonathan et il ne m'aimait pas", rappelle volontiers +ROG+, qui entretiendra des meilleurs rapports avec Sexton en devenant un de ses entraîneurs au Racing-Métro.
Il est vrai aussi que le tempérament de Sexton sur le terrain n'est guère réputé accommodant.
- 'La muraille de certitudes' -
"On a passé quelques matchs à se crier dessus", relève dans son autobiographie le légendaire centre irlandais Brian O'Driscoll. "L'incroyable instinct de compétiteur de Jonny finissait parfois par le dévorer. C'était dur de percer la muraille de certitudes qu'il avait construite autour de lui, cette conviction d'avoir tout le temps raison."
Ses partenaires au Racing-Métro, où il a passé deux saisons décevantes avant de rentrer en Irlande en juin dernier, se souviennent ainsi du goût modéré de l'individu pour la diplomatie.
"Il est très dur avec lui-même et donc avec les autres aussi", confirme, sourire aux lèvres, le centre Alexandre Dumoulin, qui a livré mercredi quelques pistes pour contrer son influence.
"C'est un joueur très dans la règle. Lui tirer le maillot, ce genre de petites choses, comme c'est un Anglo-saxon, il est très droit et ça peut le faire sortir de son match", estime-t-il.
Sûr de lui, l'ouvreur est effectivement la première victime de son exigence. Interrogé sur une passe mal ajustée il y a deux semaines face au Canada, le sélectionneur Joe Schmidt a assuré que Sexton allait "se le reprocher particulièrement, alors qu'il a fait au moins 30 autres choses très positives".
Avant d'ajouter: "Mais c'est ce qui le fait avancer et c'est aussi comme ça qu'il fait avancer toute l'équipe".