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Mieux préparée et parfaitement réglée tactiquement par Joe Schmidt, l'Irlande constitue depuis quatre ans un gros caillou dans la chaussure du XV de France de Philippe Saint-André, qui ne l'a encore jamais battue avant de la retrouver dimanche à Cardiff en Coupe du monde.
Deux nuls et deux défaites: tel est ainsi le bilan de PSA face au XV du Trèfle depuis qu'il a pris les rênes des Bleus début 2012. Comment l'expliquer ?
Le manager français invoque surtout les faits de matches qui font pencher la balance. Comme cette pénalité manquée par Jean-Marc Doussain "à 25 mètres face aux poteaux au Stade de France" en 2014 à dix minutes de la fin (20-22 score final), avant un essai refusé à Damien Chouly pour un en-avant à la dernière minute.
"Et sur ce Six nations (2015), on marque un essai, eux pas, et on perd le match de peu (11-18)", ajoutait en fin de semaine dernière PSA en se projetant sur le rendez-vous du Millennium, première place de la poule D en jeu.
Vrai. Mais à côté des circonstances avancées par Saint-André existent des explications structurelles, notamment la différence de préparation dont bénéficient les deux sélections.
- Temps de préparation -
Quand les Irlandais, sous contrat avec leur Fédération --qui peut limiter leur nombre de matches joués sur une saison--, abordent les confrontations frais et rodés après plusieurs semaines d'entraînement en commun, "les Français eux arrivent souvent fatigués" par un Top 14 exigeant qui ne leur laisse que quelques jours pour travailler ensemble, souligne auprès de l'AFP James Hart, demi de mêlée franco-irlandais de Grenoble.
"Dans l'équipe d'Irlande, chacun connaît parfaitement son rôle. Et quand un match se joue sur des détails, un essai, ça compte", appuie l'ancien international irlandais Bernard Jackman.
Et l'entraîneur-adjoint de Grenoble de prendre comme exemple le dernier Irlande-France dans le Tournoi où, avec davantage de repères communs, les Bleus auraient sans doute fait plier les Irlandais dominés dans les vingt dernières minutes.
Les Irlandais "sont aussi prêts dans leur tête, alors que c'est plus difficile pour les Français, qui enchaînent les matches sous pression en club", estime aussi Eddie O'Sullivan, ancien sélectionneur de l'Irlande (2001-2008).
L'argument du temps de préparation est recevable mais n'est pas nouveau. Or, cette prédominance du championnat sur l'équipe nationale n'empêchait pas auparavant la France de battre quasi systématiquement l'Irlande (11 victoires pour une seule défaite de la Coupe du monde 2003 à fin 2011).
"Oui, mais le championnat de France est encore plus relevé aujourd'hui qu'il y a quelques années. Et le réservoir irlandais est aujourd'hui plus profond: l'Irlande n'est plus dans la même situation qu'il y a 10 ans où, si (Peter) Stringer et (Ronan) O'Gara (charnière des années 2000) devaient sortir en cours de match, il n'existait pas d'alternative", explique Hart.
- Schmidt et le jeu au pied -
Ce Trèfle plus dense est de surcroît mené par Joe Schmidt, maître tacticien qui, pour avoir entraîné les arrières de Clermont de 2007 à 2010, "sait parfaitement quels sont les points forts et faibles de la France, comment attaquer et défendre face à elle", souligne Hart.
"C'est lui qui a fait la différence ces deux dernières années. Sa stratégie est simple, mais elle est exécutée avec la précision qu'il faut, dans chaque situation: touches, mêlées, rucks, défense, plaquages, coups de pied", pense O'Sullivan.
Et surtout dans l'utilisation du jeu au pied de pression, qui avait considérablement gêné les Bleus en février à Dublin.
"Avec (Conor) Murray, (Jonathan) Sexton et (Rob) Kearney, l'Irlande dispose de trois joueurs très forts dans le jeu de pression: on tape des chandelles puis ensuite deux-trois joueurs vont chasser le réceptionneur", analyse Jackman.
"Or, la France est peu à l'aise face à ça: même si elle réceptionne, elle est ensuite sous pression et ne peut bénéficier des ballons de contre-attaque qu'elle apprécie", ajoute le technicien.
Saint-André devrait essayer de contrer cette tactique en titularisant dimanche à une aile Brice Dulin, très habile sous les ballons aériens. Et avec pour la première fois une vraie préparation, son XV de France verra-t-il enfin ces fameux faits de matches basculer de son côté ?