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Après l'Italie samedi (32-10), la Roumanie mercredi. Le groupe D du XV de France a des airs "d'axe latin", ressuscitant une époque où la France tentait de bâtir un contre-pouvoir à l'hégémonie anglo-saxonne sur le ballon ovale.
Violence, soupçon de professionnalisme caché...En 1931, la France n'avait guère la cote dans la géopolitique du rugby et son exclusion du Tournoi des Cinq nations fait office de déclencheur.
Mis au ban des nations anglo-saxonnes, la France cherche alors à créer une fédération indépendante de l'IRFB (l'actuel World Rugby, organe suprême du jeu) et fonde en 1934 la FIRA (Fédération internationale de rugby amateur) qui regroupe alors notamment la France, l'Italie, la Roumanie, l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne ou le Portugal.
Avec l'aide de la France, le rugby va se développer particulièrement dans deux de ces pays: l'Italie et la Roumanie.
- Un contre-pouvoir à l'hégémonie anglo-saxonne -
"Dès l'après-guerre, la France a manifesté le désir de donner aux Italiens et aux Roumains, non pas la possibilité de figurer dans le gotha du rugby, mais l'occasion de participer à des matchs contre les meilleures équipes", souligne Pierre Villepreux, qui a dirigé la Squadra Azzurra de 1978 à 1981, comme d'autres Français avant (Julien Saby) et après lui (Bertrand Fourcade, George Coste, Pierre Berbizier et aujourd'hui Jacques Brunel).
Une volonté d'ordre politique: "il y avait l'idée de bâtir un contre pouvoir à l'hégémonie anglo-saxonne", ajoute Villepreux.
Aboutissement de cet "axe latin", la Coupe latine est créée sous l'impulsion de la France. France, Argentine, Roumanie et Italie s'y affrontent en octobre 1995 chez les Pumas et en octobre 1997 dans le sud-ouest de la France (Auch, Lourdes et Tarbes). Les deux éditions, marquées par le goût commun du combat d'avants, sont remportées par les Bleus.
"La Coupe latine avait servi à cette époque à matérialiser ce lien entre les nations latines. La Fédération Française de Rugby avait cette volonté de développement et d'implantation hors du contexte anglo-saxon", rappelle Jean Dunyach, vice-président de la FFR, en charge du haut niveau.
A cette époque, le XV italien matérialise ses progrès en battant pour la première fois le XV de France en mars 1997 à Grenoble (40-32).
Comme en Italie, le rugby a la fibre française en Roumanie. Ramené à Bucarest par des étudiants roumains à Paris au début du XXe siècle, le ballon ovale y connaît un âge d'or après la deuxième guerre mondiale durant lequel les Roumains battent à plusieurs reprises les Français jusqu'en 1990.
"La Roumanie a toujours été un partenaire privilégié de l'équipe de France. Tout ça relève du culturel mais aussi de l'affectif. La France a voulu aider le rugby roumain car on sentait qu'il y avait la possibilité d'un ancrage très fort", poursuit Jean Dunyach.
"Les progrès ont été plus rapides en Roumanie qu'en Italie. Sous l'ère Ceaucescu, les Roumains avaient des joueurs en quelque sorte +professionnels+ dans l'équipe de l'armée, de la police", souligne Pierre Villepreux.
Mais la chute du régime "leur a fait mal et s'ils ont une bonne école de formation, ils n'ont plus assez de clubs de haut niveau et ont besoin de se structurer", ajoute Serge Laïrle, sélectionneur du XV roumain à la fin des années 2000.
- Plus d'influence de la France dans ces pays -
Aujourd'hui, cet axe latin ne semble qu'un lointain souvenir. Les Roumains font désormais partie de la "deuxième division" du rugby mondial tandis que de par leurs progrès, les Italiens ont rejoint en 2000 le Tournoi des Six Nations alors que les Argentins se sont eux rapprochés depuis 2012 des grandes nations de l'hémisphère Sud en participant au Four Nations.
"On est dans une autre époque, on ne peut plus parler d'axe latin, ces pays ne sont plus sous influence de la France. L'IRB (World Rugby, ndlr) a pris de plus en plus de pouvoir en créant des associations régionales qui donnent des moyens à ces pays pour développer le rugby", souligne Pierre Villepreux.
Et comble de l'ironie, c'est un club anglais, les Saracens, qui a investi dans le club roumain de Timisoara.
"Mais on a encore des bons contacts avec la France, on essaye d'avoir des actions en commun", assure le président de la Fédération roumaine Hari Dumitras. Qui espère que le match de mercredi permettra à la Roumanie de retrouver un statut "d'adversaire intéressant" pour le XV de France, contre qui les "Chênes" n'avaient plus joué depuis 2006.