Happy Birthday : |
La France et l'Irlande, qui s'affrontent dimanche en Coupe du monde, ont organisé leur rugby sur deux modèles très différents dont le pivot est la capacité de contrôle qu'a chaque Fédération nationale sur le club ou la province.
+ A CHACUN SES MOYENS
Avec quelque 7 millions d'habitants en Irlande (4,8 millions en République d'Irlande, 2,2 en Ulster), l'équipe du Trèfle dispose d'un réservoir de joueurs structurellement moins profond que celui de la France et ses 65 millions d'habitants.
La Fédération irlandaise (IRFU) revendique ainsi 75.000 licenciés en 2014 et 162.000 pratiquants, une paille comparée aux 438.000 licenciés de la Fédération française (FFR). De même, l'île compte précisément 224 clubs tandis que l'Hexagone est maillé de 1885 clubs.
D'un point de vue financier, l'IRFU, co-propriétaire du stade de Lansdowne Road à Dublin et propriétaire du Thomond Park de Limerick, s'en tire plutôt bien avec 74,1 millions d'euros de chiffre d'affaires à l'issue de la saison 2014/2015 et un bénéfice net de 1,2 million d'euros. Des résultats portés par les bonnes performances de l'équipe nationale (victoires dans les Tournois 2014 et 2015) mais incluant aussi les revenus des provinces. Dans le même temps, la FFR a dégagé un chiffre d'affaires de 105 millions d'euros (508.000 euros de bénéfice en 2014/2015), tout en sachant que les clubs professionnels sont organisés dans une entité distincte, la Ligue nationale (LNR).
+ CLUB/PROVINCE, JEUX DE POUVOIR
C'est ici la pierre d'achoppement entre les deux modèles. L'IRFU a très largement gardé la main sur l'organisation du rugby national. L'île est ainsi découpée en quatre provinces (Leinster, Munster, Ulster et Connacht) qui chapeautent chacune un certain nombre de clubs. Ces provinces, fermement contrôlées par l'IRFU, sont devenues depuis la fin des années 90 les entités-phares du rugby irlandais. Regroupant les meilleurs joueurs, elles sont engagées en Ligue celtique et en Coupe d'Europe. Si chacune garde une identité forte, par exemple dans le style de jeu, elles forment d'abord le terreau de développement de l'équipe nationale, la vraie priorité de l'IRFU. Soucieuse de préserver son réservoir national, la Fédération a aussi imposé de sévères restrictions sur la venue de joueurs étrangers dans les provinces.
En France, le rugby professionnel, adossé au lucratif Top 14 et ses mirifiques droits télé, semble s'émanciper chaque jour davantage, à tel point que le budget la LNR (136,5 M EUR) surpasse désormais celui de la FFR. Cela crée des points de friction qui émaillent la vie du rugby français, notamment sur la mise à disposition par les clubs des joueurs internationaux. D'un côté, les clubs sont accusés de tuer l'équipe de France, en privilégiant les joueurs étrangers, en ne lui accordant pas assez de temps de préparation et en essorant les internationaux. Mais les représentants du monde professionnel rétorquent: n'oubliez pas qui paye...
+ DES JOUEURS CHOUCHOUTES EN IRLANDE, ETOUFFES EN FRANCE
Dans le système protecteur et protectionniste mis en place en Irlande, les meilleurs joueurs sont au sommet de la pyramide et tout est fait pour les retenir au pays, à l'image de l'ouvreur vedette Jonathan Sexton, vite revenu d'une escapade au Racing-Métro. Les contrats sont payés par l'IRFU qui les met ensuite à la disposition des provinces. Chaque joueur est aussi officiellement rattaché à un petit club, puis à sa province. Ainsi, le capitaine du XV du Trèfle, le deuxième ligne Paul O'Connell, est enregistré au Young Munster RFC à Limerick. Dans les faits, il porte exclusivement le maillot rouge du Munster et celui vert de sa sélection. Son temps de jeu est ainsi soigneusement adapté aux objectifs. La saison dernière, il n'a disputé que 16 rencontres avec sa province, Ligue celtique et Coupe d'Europe confondues. Et 7 avec l'équipe d'Irlande.
Dimanche, Paul O'Connell aura pour adversaire le deuxième ligne des Bleus Yoann Maestri qui, lui, n'a pas été ménagé: 31 matches la saison dernière, dont 23 avec Toulouse. Grâce à une nouvelle convention entre la FFR et la LNR, cela reste cinq de moins pour lui que lors de l'exercice 2013-2014. Car en France, les joueurs sont pris en étau entre un championnat exigeant et leur sélection nationale. Seule une blessure leur permet souvent de souffler. Et selon le sélectionneur Philippe Saint-André, seul l'exceptionnel temps laissé à la préparation de la Coupe du monde permet de rattraper le retard. Cela devrait donc se matérialiser dimanche à Cardiff.