Happy Birthday : |
Eddie Jones a installé le Japon dans le gotha mondial et a ouvert une nouvelle ère pour le rugby nippon grâce à sa victoire ébouriffante contre l'Afrique du Sud (34-32), lors de son premier match de la Coupe du monde, samedi à Brighton.
LA VOIE DU SAMOURAI
Le technicien australien, de mère japonaise, a inventé une façon de faire nippone, afin de compenser le déficit de gabarit des joueurs de l'archipel. "Je n'ai jamais travaillé aussi dur", explique Jones, finaliste de la Coupe du monde 2003 à la tête des Wallabies, et assistant de Jake White chez les Springboks champions du monde en 2007.
Les Brave Blossoms se sont imposés grâce à une défense souvent hermétique, une volonté sans faille de faire vivre le ballon, et un buteur, Ayumu Goromaru, presque parfait. Les Japonais ont réussi leur pari entamé dès le camp d'entraînement.. en avril.
"Les Springboks sont gros et coriaces, donc Eddie (Jones) a mis au point un plan: plaquer bas, envoyer un ou deux gars (jouer le ballon au sol), et s'appuyer sur nos forces: rapide, organisé, précis", explique Karne Hesketh, auteur de l'essai de la victoire après plus de quatre minutes de temps additionnel.
Pourtant, les Springboks étaient prévenus, notamment par leur compatriote Fourie du Preez, qui évolue au club de Suntory Sungoliath depuis 2011: "La plupart des étrangers qui arrivent au Japon ont du mal la première année. C'est un jeu différent, bien plus rapide. C'est un peu leur marque de fabrique."
Mais mettre de la vitesse n'est pas suffisant, il fallait l'audace insufflée par le sémillant Jones. Mené de trois points dans le temps additionnel, beaucoup d'équipes auraient tenté la pénalité relativement facile qui s'offrait à eux, pas les Japonais. Ils ont pris et repris la mêlée contre les doubles champions du monde sud-africains!
Même la mêlée nippone a tenu le choc face aux monstrueux Springboks. Sous l'impulsion du consultant Marc Dal Maso, elle a parfois reculé, mais n'a jamais explosé, fournissant des ballons propres et rapides à une charnière Fumiaki Tanaka-Kosei Ono épatante.
CONFIRMER FACE AU CHARDON
Reste maintenant à continuer sur cette voie face à l'Ecosse, dès mercredi. Non content d'avoir accroché la deuxième victoire du Japon en Coupe du monde, Jones vise les quarts de finale, le véritable objectif des Brave Blossoms. Il faudra réitérer la même performance à peine quatre jours plus tard. Mais ça aussi, Jones l'avait prévu.
"Nous nous sommes entraînés à jouer des matches en milieu de semaine contre des clubs ", révèle le N.8 Hendrik Tui. "Donc nous sommes prêts."
"Nous sommes tout en bas de la chaîne alimentaire, les petits poissons au fond de l'océan. Nous devons manger ce qui vient à nous. Nos joueurs sont habitués à enchaîner les matches", insiste Jones avec son accent et son bagout inimitable.
A voir les Japonais galoper sans jamais un coup de mou contre les Springboks, les Ecossais peuvent imaginer que la préparation des Brave Blossoms a été faite avec minutie.
ET MAINTENANT?
La victoire de Brighton, si elle a jeté un coup de froid du côté de Johannesburg, a fait rêver l'archipel qui accueillera la prochaine Coupe du monde en 2019. Et changera peut-être pour de bon l'image de ce sport au Japon.
"Nous avons fait un coup d'éclat mais nous voulons vraiment faire plus", s'enthousiasme Jones. "Maintenant, l'histoire du rugby japonais a changé. Il y a des enfants au Japon qui rêvaient de devenir des stars du baseball ou du football, qui rêvaient de devenir le prochain Masahiro Tanaka des New York Yankees ou le prochain Shinji Kagawa chez... peu importe chez qui il joue."
"Maintenant, ils vont vouloir être le futur Michael Leitch ou Ayumu Goromaru. Cela peut changer l'histoire du rugby japonais, parce que les meilleurs athlètes vont peut-être se tourner vers le rugby."
Mais Eddie Jones ne sera pas là pour le voir. Le souriant australien se dit trop vieux, à 55 ans, pour continuer à s'impliquer avec le Japon. Il rêve des Barbades pour se la couler douce et "regarder du cricket".